
L'année 2015 devrait enregistrer un afflux record de réfugiés en Europe, dont une majorité de ressortissants syriens. Décryptage d'un phénomène qui a connu une accélération soudaine ces dernières semaines.
Le phénomène fait la une des médias occidentaux et bouscule la classe politique européenne. Depuis quelques semaines, un afflux de migrants et de réfugiés déferle sur l’Europe, à tel point que l'année 2015 devrait enregistrer un chiffre record selon le Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR).
Yves Pascouau : La première explication est factuelle. Le conflit syrien ne connaît pas de répit, par conséquent il continue de jeter des familles sur les routes de l’exode. La très grande majorité de ces réfugiés s’est installée dans les pays limitrophes de la Syrie, à savoir dans l’ordre d’importance de l’accueil, la Turquie, le Liban, la Jordanie et l’Irak. Il s’agissait pour eux de chercher le plus rapidement possible à fuir leur pays pour sauver leur vie. Dans un premier temps, ils y ont trouvé des conditions de protection temporairement acceptables, même si une majorité d’entre eux vit sous le seuil de pauvreté. Sauf qu’au fil du temps, et face à la saturation de ces pays littéralement submergés et dépourvus d’une aide internationale à la hauteur des enjeux, je pense au Liban notamment qui a vu sa population augmenter de 25 % à cause de cet afflux, et à la dégradation des conditions d’accueil, certains de ces réfugiés ont mécaniquement décidé de chercher à vivre ailleurs. D’autant plus qu’ils ont bien compris que la situation ne risquait pas de s’arranger en Syrie, et qu’il n’était pas question pour eux d’y retourner de sitôt. Cette recherche de dignité et d’un meilleur niveau de protection (juridique, hébergement, etc.) les a poussés à demander l’asile au sein de l’Union européenne. Je pense notamment à l’Allemagne, qui répond à ces critères, suite aux annonces récentes de la chancelière Angela Merkel, qui a assoupli les conditions d'asile pour les Syriens. Il faut également évoquer, concernant ce phénomène, les conditions météorologiques, puisque l’été est considéré comme une période où les voies de passage sont moins risquées, notamment en Méditerranée. Enfin, l’ouverture d’une porte terrestre vers l’Union européenne, celle des Balkans occidentaux via la Turquie et la Grèce, moins coûteuse et moins dangereuse, a accéléré le mouvement migratoire depuis la fin 2014.
Quel est le profil de ces réfugiés syriens qui choisissent l’UE comme terre d’exil ?
D’après les observations qui ont été faites sur ces populations jusqu’ici, il ne s’agit pas forcément, contrairement aux clichés, de personnes totalement démunies. Qu’on soit pauvre ou riche, l’objectif reste le même quand on quitte son pays : sauver sa vie. Visiblement donc, il s’agit de Syriens souvent éduqués et qualifiés, puisque la Syrie est un pays qui a formé son élite, qui ont les moyens de prendre la route. Ou de continuer leur périple après s’être installé pendant un moment dans un des pays limitrophes de la Syrie. Certains ont pu, pendant ce temps, reconstituer un capital, ou récolter de l’argent auprès de leurs familles en Europe par exemple, pour entreprendre leur long voyage.
S’agit-il dans leur cas d’un exode temporaire ou d’une migration définitive ?
Les réfugiés syriens, conscients de la dégradation de la situation dans leur pays, et de l’étendue des destructions des logements et des infrastructures, sont partis pour s’installer durablement dans leur pays d’accueil. Ils ne rentreront pas avant la fin du conflit. Les demandeurs d’asile vont bénéficier d’un titre de séjour valable entre 5 et 10 ans, donc il s’agit au minimum d’un séjour de moyen terme. Il faut donc préparer l’avenir, et commencer à penser leur intégration en évaluant leurs compétences et en reconnaissant leurs diplômes. Ces personnes, fortes d’une soif de vivre extrêmement puissante et d’un dynamisme incroyable, n’ont qu’une seule idée en tête : reconstruire leur vie. Ils ne viennent pas en Europe pour être assistés.