
Des militants ont installé une affiche à un arrêt de bus montrant le président Donald Trump et Jeffrey Epstein près de l'ambassade des États-Unis à Londres, le 17 juillet 2025. © Thomas Krych, AP
Énième rebondissement dans un scandale qui ne cesse de rattraper Donald Trump. Plus de quatre ans après la mort en prison de Jeffrey Epstein, de nouveaux documents ravivent les interrogations sur les liens entre le délinquant sexuel et le président américain, et sur ce que ce dernier savait réellement.
Des parlementaires démocrates, membres de l'influente commission de surveillance à la Chambre des représentants, ont d'abord publié mercredi 12 novembre trois emails attribués au financier new-yorkais. Dans la foulée, les républicains ont rendu publics 20 000 documents supplémentaires, accusant l'opposition de sélectionner les pièces à leur avantage.
Retrouvé pendu en prison en 2019, Jeffrey Epstein reste au centre d'innombrables théories complotistes, selon lesquelles il aurait été assassiné pour protéger de puissantes personnalités, dont Donald Trump. À ce jour, aucune preuve judiciaire directe n'incrimine le président américain. Mais ces dernières révélations contredisent ses affirmations selon lesquelles il n'aurait jamais eu connaissance du système d'exploitation sexuelle orchestré par Epstein.
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Que dit l'email entre Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell ?
Premier document rendu public sur X par les démocrates : un email de 2011 échangé entre le milliardaire Jeffrey Epstein et sa complice et ancienne compagne, Ghislaine Maxwell. Le financier y décrit Donald Trump comme "ce chien qui n'a pas aboyé", affirmant que le futur président avait "passé des heures chez moi" avec l'une de ses victimes présumées, dont le nom est caché dans la capture-écran du mail.

Les républicains ont publié la version non caviardée, où figure le prénom Virginia. Selon la Maison Blanche, il s'agirait de la figure clé des accusations contre Jeffrey Epstein, Virginia Giuffre, qui a mis fin à ses jours en avril dernier, à 41 ans. Dans ses mémoires posthumes, elle décrit les agressions sexuelles dont elle dit avoir été victime, notamment par le prince Andrew, déchu de ses titres royaux fin octobre.
Dans ce même échange, Jeffrey Epstein ajoute que Donald Trump "n'a jamais été mentionné", y compris par un "chef de police". Ghislaine Maxwell lui répond alors : "J'y ai réfléchi..." Aujourd'hui emprisonnée pour vingt ans, elle a été reconnue coupable d'avoir participé au système d'exploitation sexuelle organisé par Epstein, en recrutant des mineures présentées comme des "masseuses" dans ses résidences de New York et de Floride.
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Que révèlent les échanges avec le journaliste Michael Wolff ?
Une deuxième série d'emails révèlent des échanges entre Epstein et l'auteur et journaliste Michael Wolff. Ces messages, dévoilés par les démocrates, portent sur la stratégie de communication à adopter publiquement concernant les liens d'Epstein avec celui qui allait devenir le candidat républicain à la présidentielle, au moment où ce dernier lançait sa campagne.
En 2015, Michael Wolff prévient Jeffrey Epstein que la chaîne CNN veut interroger Donald Trump sur leur relation, "soit à l'antenne, soit lors d'une conférence de presse après l'émission". À la question de Jeffrey Epstein : "Que devrait-il répondre ?", le journaliste lui suggère de le laisser "se discréditer" lui-même. "S'il affirme n'avoir ni pris l'avion ni été à la maison [de Jeffrey Epstein], cela vous offrira un avantage considérable." La même année, Jeffrey Epstein avait proposé à un journaliste du New York Times de lui montrer "des photos de Donald et de filles en bikini dans [sa] cuisine", rappelle le journal.

À l'automne 2016, Michael Wolff écrit de nouveau à Jeffrey Epstein pour lui proposer une interview susceptible "d'achever" Donald Trump. L'année suivante, Jeffrey Epstein et plusieurs de ses associés apprennent que Reuters prépare un article sur un procès intenté contre le financier déchu et le président américain pour une agression sexuelle présumée remontant à 1994. "Eh bien, je suppose que s'il y a quelqu'un qui peut faire passer ça sous silence, c'est bien Donald", commente Michael Wolff auprès de Jeffrey Epstein dans cet autre courriel révélé par les républicains. "Faites-moi savoir si je peux faire quoi que ce soit", lui répond le financier.
Enfin, dans un message de 2019, Jeffrey Epstein assure que Donald Trump lui avait demandé de "renoncer" à la carte de membre de Mar-a-Lago, la résidence de Floride du président américain - ce qu'il nie avoir jamais eue. Il ajoute que le président n'ignorait rien de ses activités criminelles : "Bien sûr, il savait à propos des filles". Dans un email qu'il s'est envoyé à lui-même la même année, il confirme : "Trump savait et est venu chez moi plusieurs fois pendant cette période". "Il n'a jamais reçu de massage."
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Que montrent les autres emails rendus publics ?
La masse de documents publiée par les républicains élargit encore le champ des relations d'Epstein. On y retrouve notamment des échanges avec Kathryn Ruemmler, ex-conseillère de Barack Obama. En 2018, elle discute avec Jeffrey Epstein du dossier pénal visant Michael Cohen, l'ancien avocat de Trump, qui a admis avoir conspiré avec le président américain pour verser de l'argent à la star du porno Stormy Daniels afin qu'elle garde le silence lors de l'enquête. Jeffrey Epstein y affirme "savoir à quel point Donald est véreux".
La même année, il échange aussi une soixantaine d'emails avec Steve Bannon, alors l'un des principaux idéologues du mouvement trumpiste. Jeffrey Epstein lui propose de l'aider à diffuser sa pensée ultraconservatrice en Europe. Avec Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor et ex-président de Harvard, Donald Trump est un sujet fréquent dans leurs échanges. Jeffrey Epstein le décrit comme étant "à la limite de la folie". Andrew fait également partie des destinataires de ses mails, confirmant des contacts plus tardifs que ceux admis publiquement par le frère du roi Charles III.
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Comment réagit le camp Trump ?
Dans un message publié vendredi sur Truth Social, Donald Trump a de nouveau accusé les démocrates de "promouvoir à nouveau la supercherie Epstein" destinée, selon lui, à détourner l'attention de leurs "revers" politiques après un long blocage budgétaire. Il soutient qu'"Epstein était un démocrate" et que le "problème" ne concerne "pas les républicains". Il a assuré dans une autre publication qu'il allait demander une enquête fédérale sur les liens entre Epstein et Bill Clinton "afin de déterminer ce qui se tramait entre eux".
Le jour de la révélation des emails, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a reproché aux démocrates d'avoir dissimulé le nom de Virginia Giuffre. Le démocrate Robert Garcia a répondu que ce caviardage répondait au principe de ne jamais révéler l'identité des victimes, à la demande des familles.
Karoline Leavitt a aussi insisté sur le fait que Virginia Giuffre avait plusieurs fois assuré que le président américain "n'avait rien fait de mal et qu'il ‘n'aurait pas pu être plus amical' dans les interactions limitées qu'ils ont eues".
Selon elle, les courriels publiés "ne prouvent absolument rien". S'agissant de Michael Wolff, la Maison Blanche a diffusé une longue liste d'articles visant à démontrer, selon elle, que le journaliste n'était pas fiable et que son travail était "truffé d'erreurs et d'approximations".
Des figures pro-Trump ont immédiatement pris la défense du milliardaire . Le commentateur de droite Jack Posobiec a accusé certains médias d'avoir "collaboré avec Jeffrey Epstein" pour créer des "canulars", tandis que l'influenceur Rogan O'Handley a dénoncé une "diversion" destinée à "salir la réputation d'un homme intègre".
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D'autres documents pourraient-ils être rendus publics ?
Une pétition visant à imposer un vote sur la publication intégrale des "Epstein Files" non classifiés – que Donald Trump et le président de la Chambre, Mike Johnson, refusent jusqu'ici de divulguer – a recueilli suffisamment de soutiens à la Chambre des représentants, mercredi. Le vote se tiendra la semaine prochaine.
Ce vote place les républicains face à un dilemme : afficher leur loyauté envers Donald Trump ou répondre aux demandes de transparence de victimes présumées. Le républicain dissident Thomas Massie affirme qu'"en réfléchissant à ce qui est juste, la réponse est assez évidente : ils doivent voter pour" la publication. Si elle est adoptée par la Chambre des représentants, la résolution ne serait toutefois effective qu'après son adoption au Sénat et sa signature par Donald Trump lui-même.
