
De l’est de la Grèce à l’extrême nord de la France, des milliers de migrants, fuyant la Syrie, l'Irak ou encore l'Afghanistan, empruntent la route des Balkans. Karim Hakiki, reporter de France 24, livre ses impressions dans son carnet de route.
Ils arrivent par milliers. Après avoir bravé les dangers d’une traversée de la Méditerranée, ils débarquent sur les côtes européennes, notamment grecques, avec le ferme espoir d'une vie meilleure, loin des violences. Quels sont leurs désirs et leurs regrets ? Comment vivent-ils, seuls ou en famille, l’exil et la précarité ? Qui sont ceux que l’Europe nomme communément "les migrants" ? De Thessalonique, en Grèce, jusqu’à Calais, dernière étape avant le Royaume-Uni, une équipe de France 24 suit la route empruntée par des dizaines de milliers de personnes, jetées sur les routes par la guerre et les persécutions. Au-delà de cette actualité, France 24 vous propose quotidiennement de découvrir le regard que porte notre reporter Karim Hakiki sur ce périple.
Lundi 7 septembre, Munich (Allemagne)
"Après notre séjour à Vienne, nous sommes arrivés lundi en Allemagne, qui est la destination finale de 80 % des migrants que nous avons rencontrés depuis le début de notre périple. Nous sommes à Munich et notre idée de départ, c’était de voir comment ce pays en pointe sur cette question faisait pour prendre en charge les migrants. Or dimanche, le pape François a appelé chaque paroisse et communauté religieuse d’Europe à accueillir une famille de réfugiés, donc on a voulu trouver des églises qui étaient actives en la matière.
Malheureusement, petit à petit il est apparu évident qu'on aurait beaucoup de mal à tourner ce reportage. Aucune église contactée ne donnait suite à notre requête : on a passé une dizaine de coups de fil : soit personne ne répondait, soit la personne au bout du fil nous disait qu’elle n’était pas au courant, soit on nous renvoyait vers d’autres interlocuteurs.
On a donc décidé de se rendre à la gare centrale de Munich, où l'on pensait trouver des responsables religieux. Mais là encore, aucun résultat, il n’y avait rien à voir ! On était quand même assez étonnés car même à Vienne, il y avait des traces du passage des migrants, mais là, rien de visible, et il nous était impossible d’accéder au quai de leur arrivée, contrôlé par des forces de sécurité.
Nous contactons alors l’ONG Caritas mais comme avec les responsables religieux un peu plus tôt, on nous répond qu’il leur est impossible de nous aider. Il ne restait plus qu’à se rendre directement dans des églises, à aller sur le terrain. La première tentative se solde par un nouvel échec : le père qui nous reçoit nous explique que nous arrivons trop tôt. 'Les migrants sont d’abord accueillis par l’administration et doivent passer plusieurs étapes avant d’arriver chez nous', explique-t-il.
"Des gens qui se pressent avec un, deux, voire trois sacs de dons"
À ce moment-là, clairement, le stress gagne un peu l’équipe. L’heure tourne, il est déjà 15 h, on a un sujet à rendre pour 19 h, et on n’a encore rien filmé. Avec mes collègues anglophone et arabophone, on s’est rendu compte qu’on fantasmait peut-être notre sujet en imaginant ces nombreux migrants accueillis dans des paroisses. À seulement quatre heures de la diffusion de notre reportage, que fait-on ? Il faut prendre une décision.
Et puis là, coup de chance : juste en face de l’église où l'on se trouvait, on aperçoit de l’autre côté de la rue un énorme centre d’aide de l’organisation humanitaire Diakonia, qui centralise la plupart des dons allemands. Au loin, on voit des gens qui se pressent avec un, deux, voire trois sacs de dons. On se dit alors qu’on tient enfin notre sujet : l’organisation allemande pour accueillir les migrants et les aider.
À l’intérieur, une femme, Julia, s’occupe de récupérer les sacs et de tout trier. 'Le nombre de sacs est tellement important que la moitié des dons part à la poubelle', raconte-t-elle. Ce qui reste est dispatché dans de nombreux cartons : chaussures, gants, vestes, pantalons de toutes tailles, mais aussi fournitures scolaires et affaires de toilettes. Chaque carton est bien identifié avec ce qu’ils contient et sa destination, en fonction des régions.
Finalement, nous ferons le reportage sur l’accueil des migrants dans les églises un peu plus tard. Ce tournage illustre bien que les histoires que l'on raconte sont toujours liées à la chance et aux rencontres que l’on peut faire. On pense avoir suivi une mauvaise piste, et puis en fait, celle-ci s’avère être la bonne."
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