Le président guatémaltèque a démissionné jeudi. Privé de son impunité, Otto Pérez fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par la justice de son pays. Le parquet l'accuse d'avoir dirigé un système de corruption au sein des douanes.
Otto Pérez, sur la sellette depuis plusieurs mois, a annoncé sa démission jeudi 3 septembre, à quelques jours seulement de la tenue d'élections générales au Guatemala. Il devrait être remplacé par son vice-président, Alejandro Maldonado. Accusé de corruption, le président guatémaltèque est sous le coup, depuis le 3 septembre, d'un d'un mandat d'arrêt émis par la justice de son pays.
S'étant engagé à collaborer avec la justice, le chef de l’État peut se présenter librement devant le juge, sans y être amené par la force. "Il va se présenter [jeudi]", a indiqué son avocat, Me César Calderon, contacté par l'AFP. À son arrivée devant le juge, Otto Pérez sera soumis à une "audience de première déclaration" au cours de laquelle le parquet demandera son placement en détention provisoire.
Le président conservateur, un général en retraite de 64 ans au pouvoir depuis 2012, avait été privé mardi de son immunité par un vote à l'unanimité du Parlement, une mesure inédite dans l'histoire du Guatemala et célébrée par une foule d'habitants. Dès mardi soir, la justice lui avait interdit de sortir du territoire et mercredi, la Cour constitutionnelle a rejeté ses recours pour suspendre la procédure. Dans ce dossier, son ancienne vice-présidente Roxana Baldetti, démissionnaire en mai et également poursuivie, est déjà en détention provisoire.
Otto Pérez est accusé par le parquet et une commission de l'ONU contre l'impunité (Cicig) d'avoir dirigé un système de corruption au sein des douanes, via lequel des fonctionnaires touchaient des pots-de-vin pour exonérer de taxes certaines importations.
"Un citoyen ordinaire"
Alors que la justice dispose d'écoutes téléphoniques où l'on entend le président converser avec des membres du réseau frauduleux, la procureure générale Thelma Aldana s'est dite convaincue mercredi que le président serait condamné.
"Il y a une procédure pénale" contre le chef de l'État, a-t-elle expliqué à l'AFP. "Nous irons au procès, ensuite il y aura un verdict qui, selon mon appréciation et ce que je connais du dossier, devra être une condamnation."
La procédure à son encontre survient à un moment de mobilisation populaire sans précédent dans ce pays pauvre d'Amérique centrale et à quelques jours seulement des élections prévues dimanche, auxquelles Otto Pérez ne se représente pas, la Constitution n'autorisant qu'un seul mandat.
Mercredi, plusieurs habitants interrogés par l'AFP ne cachaient pas leur joie à l'annonce du mandat d'arrêt émis : "Je crois que c'est juste, et pourvu que la justice soit vraiment mise en pratique cette fois", confiait Eduard Yuman, cuisinier. "C'est bien car c'est un citoyen ordinaire, comme les autres", disait aussi Patricia, expert-comptable.
Risque de débordements
Dimanche, quelque 7,5 millions de Guatémaltèques, sur 15,8 millions d'habitants, sont appelés aux urnes pour désigner le successeur d'Otto Pérez, ainsi que 158 députés et 338 maires.
De nombreuses ONG ont rapporté des agressions de sympathisants de partis politiques contre des manifestants rejetant les candidatures présentées, ainsi que le meurtre d'une dizaine de candidats entre mars et août. Mardi, la militante indigène Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix 1992, a appelé au calme "face au risque de débordements" dans son pays et espéré, dans un entretien à l'AFP, "passer cette journée du 6 septembre sans tache de sang".
Le Guatemala, marqué par 36 ans de guerre civile (1960-1996), reste l'un des pays les plus violents au monde avec 6 000 morts par an, en majorité causées par le crime organisé lié au trafic de drogue.
Avec AFP