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Les travaillistes britanniques commencent ce vendredi à élire le successeur d’Ed Miliband à la tête de leur parti. Jeremy Corbyn, un député très à gauche, a créé la surprise en arrivant en bonne place dans les sondages. Portrait.
La surprise a été totale pour les cadres du Labour qui doivent élire un nouveau leader après la défaite d'Ed Miliband aux législatives de mai. À moins d’un mois de la date définitive de l’élection du nouveau dirigeant du Parti travailliste britannique, le dernier sondage YouGov pour le "Times" a donné Jeremy Corbyn, le candidat le plus à gauche, en tête avec 53 % des intentions de vote, très loin devant ses trois concurrents, Andy Burnham (21 %), Yvette Cooper (18 %) et Liz Kendall (8 %).
Député du quartier d’Islington, dans le nord de Londres, cet homme de 66 ans au look de professeur d’université, a dû être tout aussi surpris que ses collègues du Labour puisqu’il avait eu le plus grand mal à rassembler les 35 parrainages nécessaires à sa candidature.
Mais bien que ses adversaires et la plupart des médias britanniques appellent à voter contre lui, Jeremy Corbyn attire toujours plus de soutiens. "De Preston, à Croydon et à Birmingham, les même scènes se sont répétées aux quatre coins du pays : des foules monumentales, des accueils enthousiastes, et au centre, un modeste barbu de 66 ans qui assure qu’il peut conduire le Labour au gouvernement en misant sur une politique plus à gauche que tout ce qui a déjà été vu depuis les années 1980", décrit par exemple "The Guardian".
Néanmoins, pour le quotidien britannique de centre-gauche comme pour le "Daily Mirror", qui partage la même tendance politique, la candidature de Jeremy Corbin se situe bien trop à gauche pour remporter des législatives dans un pays où les élections se gagnent d'abord au centre.
"Ne poussez pas le Labour dans le vide"
Dans une tribune publiée par "The Guardian", l’ancien Premier ministre travailliste Tony Blair est, lui, allé jusqu’à implorer ses lecteurs : "Même si vous me détestez, ne poussez pas le Labour dans le vide", lance-t-il, ajoutant que si Jeremy Corbyn remportait l’élection "le Labour ne serait pas seulement battu mais anéanti". "La vie est trop courte pour répondre [à ces attaques]", a réagi Corbyn avec philosophie dans les colonnes du même journal.
Soutenu par des électeurs déçus par la classe politique, le député peut faire campagne sereinement. Son discours anti-austérité et ses projets de renationaliser les chemins de fer ou la poste ont rapidement séduit certains militants qui accusent le Labour de s'aligner sur le discours des conservateurs sur les sujets économiques et sociaux.
Jeremy Corbyn a surtout réussi à séduire un électorat jeune grâce à son opposition à la guerre en Irak et à son intention d'associer le Hamas et le Hezbollah aux pourparlers de paix au Proche-Orient. Son opposition à l'énergie nucléaire est également un argument de poids pour conquérir cet électorat.
"Ascétique, végétarien, refusant de boire de l’alcool et de posséder une voiture", selon Philippe Bernard, le correspondant du "Monde" dans la capitale britannique, Jeremy Corbyn est perçu "comme la caricature de l'intellectuel de gauche du nord de Londres".
"He talks like a human being"
Les électeurs semblent pourtant apprécier sa simplicité. "Il parle comme un être humain, de choses qui sont concrètes à mes yeux", a expliqué au "Guardian" une jeune femme qui dit avoir mis son dernier bulletin Labour dans une urne "en se bouchant le nez".
Jeremy Corbyn et son équipe ont bien compris que les jeunes qui le soutiennent, l’apprécieraient encore d’avantage s’il était présent sur les réseaux sociaux sur lesquels il s'active désormais. Résultat : le compte Twitter du député a dépassé les 100 000 followers et son compte de campagne "@JeremyCorbyn4Leader" compte plus de 40 000 adeptes. Selon le "Guardian", le hashtag #JezWeCan, inventé en référence au "Yes we can" de la campagne de Barack Obama en 2008, "est utilisé sur Twitter toutes les 25 secondes".
Suivi par plus de 60 000 personnes, le compte facebook du candidat n’est pas en reste. Sur sa page, les "likes" que reçoivent chacun de ses messages se comptent en milliers. Reste à savoir si ces soutiens affichés sauront se traduire en résultats électoraux.
Avec AFP