!["Les attaques à Kaboul peuvent être le reflet d'une lutte entre Taliban" "Les attaques à Kaboul peuvent être le reflet d'une lutte entre Taliban"](/data/posts/2022/07/20/1658323086_Les-attaques-a-Kaboul-peuvent-etre-le-reflet-d-une-lutte-entre-Taliban.jpg)
Les récentes attaques en Afghanistan, qui peuvent s’expliquer notamment par la guerre de succession au mollah Omar qui se joue à l'intérieur du mouvement taliban, mettent en péril les négociations de paix engagées entre Kaboul et les insurgés.
Cinq attentats en quatre jours, dont quatre à Kaboul : l’Afghanistan vient de connaître ces derniers jours une vague d’attentats, dont le bilan dans la capitale est le plus lourd depuis la fin de la mission de l’Otan en décembre 2014.
Vendredi 7 août, Kaboul a ainsi été frappée trois fois. D’abord au beau milieu de la nuit par un camion piégé qui a explosé dans un quartier résidentiel, faisant 15 morts et 248 blessés. Puis une attaque -suicide est survenue dans la soirée contre une école de police, tuant 26 personnes et en blessant 28 autres. Enfin, une troisième attaque, visant cette fois-ci Camp Integrity, une base américaine, a tué un soldat américain et 9 civils.
Le lendemain, c’est le district de Khanabad, dans le nord du pays, qui était le théâtre d’une nouvelle attaque. Les Taliban s’en sont pris à une milice anti-talibane près de la ville de Kunduz. Le bilan officiel fait état de 21 morts, tandis que les rebelles affirment avoir tués 31 miliciens. Enfin, le 10 août, une forte explosion s’est produite à proximité de l’aéroport de Kaboul, faisant 5 morts et 16 blessés.
"La recrudescence des attaques pourrait être le reflet de la lutte intestine à l’intérieur du mouvement des Taliban", explique le spécialiste du mouvement Karim Pakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), contacté par France 24.
L’annonce de la mort du mollah Omar a changé la donne
Toutes ces attaques attribuées aux Taliban surviennent en effet après l’annonce, le 29 juillet, de la mort du mollah Omar, le leader historique du mouvement, et celle de la nomination de son successeur, le mollah Mansour. Ce dernier est contesté par "une branche importante des Taliban" qui pourrait vouloir "montrer sa puissance et sa maîtrise du terrain" en menant des attentats, souligne Karim Pakzad.
Ces attaques surviennent également au moment où le deuxième round des négociations pour la paix entre gouvernement afghan et Taliban devait débuter, sous patronage pakistanais. Or "de graves divergences sont apparues entre le clan Mansour, favorable aux négociations, et le clan emmené par Mohammad Yacoub, le fils du mollah Omar, opposé aux pourparlers de paix", affirme le chercheur de l’Iris.
>> À lire sur France 24 : "Les Taliban face aux conséquences de la mort du mollah Omar"
Une observation confirmée par Antonio Giustozzi et Silab Mangal, deux autres spécialistes du mouvement taliban, dans un article publié le 3 août sur le site de la revue américaine "Foreign Affairs". Selon eux, le mollah Mansour bénéficie du soutien de la choura (conseil) de Quetta, tandis que Yacoub peut compter sur les soutiens des chouras de Miran Shah et de Peshawar, toutes deux opposées à un accord politique avec Kaboul.
Une chose est sûre, "les récentes attaques menées dans la capitale ont bouleversé l’opinion publique afghane et le président Ashraf Ghani était donc obligé de réagir pour garder une certaine crédibilité", estime Karim Pakzad.
Changement de ton de Kaboul vis-à-vis d'Islamabad
Le président afghan a ainsi tenu des propos très durs, lundi 10 août, vis-à-vis du Pakistan, alors même qu’il s’était jusque-là démarqué de son prédécesseur, Hamid Karzaï, en opérant un rapprochement avec Islamabad.
"Nous espérions la paix, mais c'est un message belliqueux que nous envoie le Pakistan", a-t-il lancé. Selon lui, les attaques de Kaboul prouvent que le Pakistan abrite toujours des "camps d'entraînement de kamikazes et des fabriques de bombes". "Si notre peuple continue à être tué, notre relation avec le Pakistan perdra son sens", a-t-il aussi mis en garde.
"Les propos du président Ghani ont pu surprendre certains car il était plutôt connu comme étant l’homme du Pakistan depuis son élection en septembre 2014, mais il a parlé vrai, explique Karim Pakzad. La clé de la paix en Afghanistan, c’est le Pakistan."
De son côté, Islamabad a condamné les attaques menées en Afghanistan et a réitéré son engagement en faveur d'un dialogue de paix entre les Taliban afghans et le gouvernement de Kaboul. Et même si le Pakistan a souvent soufflé le chaud et le froid sur l’insurrection talibane par le passé, le chercheur de l’Iris estime que le contexte est aujourd’hui différent.
"La montée de l’État islamique (EI) au Pakistan et en Afghanistan est un autre facteur à prendre en compte, dit-il. Or l’EI menace les deux pays, et le Pakistan est arrivé à la conclusion que c’est dans son intérêt de mettre fin aux attaques chez son voisin."
Islamabad parviendra-t-elle pour autant à imposer le calme entre les différents clans talibans ? La reprise des négociations de paix, suspendues sine die depuis l’annonce de la mort du mollah Omar, en dépend.
Avec AFP