
Les Égyptiens inaugurent, jeudi 6 août, la seconde voie du canal de Suez. Un projet du président Abdel Fattah al-Sissi qui vise à relancer l'économie égyptienne, sinistrée depuis la révolution de 2011.
L’Égypte inaugure, jeudi 6 août, la seconde voie du canal de Suez, un projet cher au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. L’initiative vise à désengorger le canal principal et augmenter les revenus de l’Égypte.
Les autorités égyptiennes espèrent avec ce "nouveau canal" donner un coup de fouet à l’activité de la zone. Actuellement, plus de 500 000 tonnes de marchandises passent tous les ans par le canal de Suez, toujours aussi vital pour relier le marché européen à l’Asie. Ce trafic génère environ cinq milliards de dollars de revenus (3,74 milliards d’euros) en droit de passage pour l’État égyptien. Une manne absolument vitale pour le pays, économiquement sinistré depuis la révolution de 2011 et qui peine à faire revenir les touristes.
Passer à 13 milliards de dollars et créer un million d’emplois
Problème : le nombre de navires empruntant le canal de Suez a chuté de plus de 3 % l’an dernier et les revenus sont également en légère baisse (-0,3 %). Le pouvoir espère que ce nouveau tronçon permettra d’atteindre à terme - d'ici cinq ans - une rente annuelle de 13 milliards de dollars (9,7 milliards d'euros).
Le gouvernement assure que ce projet permettra en outre de lutter contre le chômage qui touche officiellement plus de 13 % des Égyptiens. Il mise sur la création d’un million d’emplois nouveaux grâce à ce canal bis. L’activité économique devrait aussi bénéficier du développement de zones industrielles et de villes tout au long du tracé, soulignent les promoteurs du projet dans un article du “Egypt Oil & Gas Newspaper”, une publication anglophone spécialisée dans le secteur de l’énergie en Égypte. Les promesses de lendemains qui chantent sur le front de l’emploi sont de nature à faire du bien au moral d’un pays en crise, même si, comme le souligne Sophie Pommier, directrice de Méroé Consulting, un cabinet de conseil sur le monde arabe, il “s’agit essentiellement d’emplois non-qualifiés”.
Pour le général Sissi et l’armée qui le soutient, ce second canal de Suez est aussi une manière de “renforcer le parallèle qu’ils veulent établir avec l’ère nassérienne [qui a vu la nationalisation du canal de Suez en 1956, NDLR]”, explique-t-elle.
Pas un remède miracle
Sur le papier, le projet bénéficiera donc à tous. Mais “j’ai vu passer un grand nombre de projets de développement de la zone du canal de Suez après la révolution de 2011, et même dans les derniers temps de l’ère Moubarak, donc il faut attendre de voir ce qui va advenir de celui-ci”, prévient Sophie Pommier.
Un gagnant évident du projet est l’armée égyptienne. C’est elle qui, pour des raisons de sécurité, a été chargée de “superviser le chantier”. “Certains experts craignent que les militaires viennent en profiter pour renforcer encore le contrôle qu’ils exercent sur la vie économique du pays”, souligne “Egypt Oil & Gas Newspaper”.
Pour Sophie Pommier, un canal bis n’est pas non plus le remède miracle pour l’économie égyptienne. “La relance de l’économie se fait un peu à l’ancienne, comme à l’époque de Nasser par de grands projets d’infrastructure”, souligne-t-elle. Le problème est que cette politique n’est pas, d’après elle, accompagnée par des mesures de modernisation des autres secteurs comme l’agriculture, le textile ou encore les nouvelles technologies.
Ce papier a été mis à jour. Une première version a été publiée le 6 août 2014.