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Le Pakistan exécute un condamné à mort malgré la mobilisation internationale

Shafqat Hussain, condamné à mort à 17 ans et qui disait avoir avoué sous la torture, a été pendu mardi à Karachi, malgré les appels de la communauté internationale à la clémence. Il était devenu un symbole des dérives de la justice au Pakistan.

Le Pakistan a pendu, mardi 4 août au matin, Shafqat Hussain, symbole de l'opposition car condamné à mort pour meurtre à "l'adolescence", s'indignent ses avocats, et ce au terme d'une procédure ne respectant pas les "normes internationales" d'après l'ONU.

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Au lendemain du raid des Taliban le 17 décembre 2014 contre une école de Peshawar (nord-ouest) qui avait fait 154 morts, le Pakistan a recommencé à exécuter les condamnés à mort, y compris ceux n'ayant aucun lien avec des mouvements considérés comme "terroristes". L'ONU, l'Union européenne (UE) et des organisations de défense des droits de l'Homme avaient aussitôt fustigé cette nouvelle politique, ce qui n'a pas empêché le gouvernement de faire pendre depuis environ 180 condamnés à mort parmi les 8 000 qui croupissent dans les geôles pakistanaises.

Allégations de torture

Issu d'une famille pauvre du Cachemire (nord-est), Shafqat Hussain n'avait aucun lien avec le carnage de Peshawar, mais son cas était devenu emblématique des limites de la politique d'exécution du gouvernement dans un pays où les "confessions" sont parfois arrachées de force aux suspects, qui n'ont d'ailleurs souvent pas de papier d'identité pour prouver leur âge réel.

Condamné à mort en 2004 pour le meurtre d'un garçon de sept ans à Karachi, métropole du sud du pays, Shafqat Hussain avait plaidé son innocence et soutenu avoir "fait des aveux" après des jours de torture policière.

En appel, ses nouveaux avocats avaient plaidé en vain qu'il avait 17 ans au moment des faits reprochés, 14 ans selon la famille, et donc qu'il ne pouvait être pendu, la loi et les traités internationaux ratifiés par le Pakistan lui interdisant l'exécution de personnes reconnues coupables de crimes avant leur 18 ans.

Si les autorités pakistanaises refusaient de rouvrir l'enquête, elles respectaient toutefois un moratoire qui empêchait la pendaison du jeune homme. Mais après le raid de Peshawar, le Pakistan a levé son moratoire et le destin de Shafqat Hussain a basculé.

Des organisations de défense des droits de l'Homme ont mené une vaste campagne pour le sauver, tandis que des diplomates européens ont évoqué son cas au sommet de l'État en pensant avoir un atout particulier en main : le Pakistan avait obtenu l'an dernier de l'UE un statut lui permettant de vendre son textile sans droit de douanes sur le vieux Continent en échange d'engagements en matière de respect des droits de l'Homme, une politique européenne qui a permis d'augmenter d'un milliard de dollars ses exportations.

Contraire aux "normes internationales" selon l’ONU

À l'hiver, face à la fronde, les autorités pakistanaises avaient finalement accepté d'enquêter sur l'âge réel de Shafqat Hussain au moment des faits, sans toutefois se pencher sur les allégations de torture. Au terme d'une enquête du Bureau fédéral des investigations (FIA), les autorités ont soutenu qu'il était majeur au moment des faits et ce, en dépit de son certificat de naissance présenté par ses avocats selon lequel il était bien mineur.

Un groupe d'experts de l'ONU a conclu que son procès ne respectait pas "les normes internationales". Et dans un dernier effort, des responsables pakistanais ont tenté lundi de convaincre le président Mamnoon Hussain de surseoir à son exécution. En vain.

Shafqat Hussain a été exécuté mardi au petit matin, une "dizaine de minutes avant la prière de l'aube" selon une source carcérale, après avoir passé une décennie dans les "couloirs de la mort".

Avec AFP et Reuters