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Extrémistes juifs : "Netanyahou est sur la corde raide"

Benjamin Netanyahou a promis la fermeté contre les extrémistes juifs après la mort d'un bébé palestinien et d'une adolescente. Mais le Premier ministre israélien, pris en étau entre sa coalition et l'opinion publique, à une marge de manœuvre limitée.

"Tolérance zéro". Benjamin Netanyahou s'est voulu ferme à l'égard des juifs extrémistes, après plusieurs "actes terroristes", dimanche 2 août dans un message vidéo. Cette déclaration intervient après une semaine de tensions, marquée par la mort d’une adolescente poignardée par un colon ultra-orthodoxe lors du défilé de la Gay Pride à Jérusalem, ainsi que celle d’un bébé Palestinien, brûlé vif dans l'incendie criminel d'une maison, dont les auteurs présumés sont des extrémistes juifs.

"C'est un acte terroriste. Israël agit avec fermeté contre le terrorisme, quels qu'en soient les auteurs", a-t-il ainsi déclaré, évoquant la mort du bébé palestinien, âgé de 18 mois, Ali Dawabcheh. Il a ajouté que "tous les moyens" seraient employés pour traduire les agresseurs devant la justice. Son ministre de la Défense Moshé Yaalon a ainsi autorisé la mise en détention administrative d'extrémistes juifs, c'est-à-dire sans charge retenue par la justice, et pour une durée illimitée. Cette mesure, habituellement réservée aux Palestiniens, pourrait donner aux enquêteurs le temps de réunir les preuves nécessaires à la tenue d’un procès, expliquent les médias.

"Impunité des extrémistes juifs" 

Un geste qui se veut apaisant face à la vive émotion suscitée par les deux attaques. De l'opposition israélienne à l'ONU en passant par les Palestiniens, tous ont dénoncé des violences rendues possibles par "l'impunité" dont jouissent, selon différentes ONG, les colons et autres activistes d'extrême droite, sachant que 85,3 % des plaintes de Palestiniens contre des colons sont classées sans suite, selon l’ONG israélienne Yesh din. En outre, les Palestiniens ont peu d’espoir de voir agir le gouvernement israélien sur lequel les partisans de la colonisation et de la droite nationaliste et religieuse ont la haute main.

Depuis des années, les extrémistes juifs agressent des Palestiniens et des Arabes israéliens, et vandalisent des lieux de culte musulmans et chrétiens ou même des symboles de l'armée israélienne. Sans que les auteurs ne soient inquiétés outre-mesure. Pour nombre d'analystes, le système policier et judiciaire de l'État hébreu est en panne quand il s'agit de ces extrémistes : Yishaï Shlissel, le colon ultra-orthodoxe, qui a tué à coup de couteau la jeune Shira Banki, lors du défilé de la Gay Pride, venait de purger 10 ans de prison pour des faits similaires lors de la même manifestation en 2005. Il s’était en outre répandu en propos homophobes dans les médias et sur les réseaux sociaux avant sa nouvelle attaque. Les responsables de la sécurité disent, eux, qu'il est difficile d'infiltrer ces petits groupes qui n'utilisent pas de téléphones portables, restent muets durant leurs interrogatoires et reçoivent visiblement des consignes sur le comportement à adopter face aux forces de l'ordre.

Le président palestinien Mahmoud Abbas a raillé vendredi les méthodes de l'armée israélienne, qui "les garde une heure pour une enquête, puis les relâche et ils peuvent reprendre leurs attaques". Pour Yossi Melman, spécialiste des questions de renseignements pour le "Jerusalem Post", il n'y a aucune explication logique à l'impuissance des autorités. "Il est incompréhensible qu'un État qui réussit à défaire le terrorisme arabe et palestinien, qui constitue un modèle copié par de nombreuses agences de sécurité, trouve difficile d'affronter quelques centaines de terroristes et leurs complices", écrit-il.

Netanyahou tiraillé entre sa coalition et l'opinion publique

Une partie de la classe politique israélienne n’a pas manqué non plus de critiquer le gouvernement. L'ex-président Shimon Peres a dénoncé indirectement la responsabilité de Benjamin Netanyahou : "Celui qui incite à la haine contre les Arabes d'Israël, qu'il ne s'étonne pas lorsqu'on incendie des églises, des mosquées et qu'à la fin on brûle un bébé dans la nuit", a-t-il dit samedi, en allusion à des déclarations du Premier ministre en mars, pendant la campagne des législatives.

Le chef de l'opposition de centre-gauche Isaac Herzog a estimé pour sa part que "lorsque l'État le veut, il peut lutter contre le terrorisme", appelant le gouvernement Netanyahou, l'un des plus à droite de l'histoire d'Israël, à faire son "examen de conscience".

Reste que la marge de manœuvre du gouvernement est particulièrement étroite. "Netanyahou est sur la corde raide", estime Frédéric Encel, enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris (IEP) et auteur de "Géopolitique du sionisme", éd. Armand Colin. "Il a choisi de gouverner au sein d’une coalition très nationaliste et très religieuse et n’a qu’une voix d’avance à la Knesset. Il est très gêné : vis-à-vis de l’opinion publique, il se doit de montrer une volonté ferme, mais ne peut pas aller trop loin pour ne pas froisser ses alliés qui, tout en condamnant les exactions, sont favorables aux implantations de colonies", explique-t-il. Selon lui, la fermeté du Premier ministre et les nouvelles mesures promises, restent donc au vu du contexte un "geste fort politiquement, mais qui risque d’être insuffisant, notamment pour apaiser l’opinion publique arabe ".