Le fabricant d’huile de palme Golden Veroleum est accusé par l’ONG Global Witness d’agrandir son empire au Liberia dans des conditions douteuses. Son comportement durant l’épidémie d’Ebola est, notamment, pointé du doigt.
2014 a été une année noire pour le Liberia, meurtri par le virus Ebola qui y a fait plus de 4 800 morts. Une enquêgte de l'ONG Global Witness, publié jeudi 23 juillet, souligne cependant qu'elle a été économiquement faste pour un acteur présent sur place depuis 2010 : la compagnie d'huile de palme Golden Veroleum (GVL).
“L’an passé, cette société a obtenu l’accord des populations locales pour exploiter près de 14 000 hectares de terre dans le sud du pays en six mois, ce qui lui a permis de presque doubler la surface qu’elle peut utiliser pour cultiver ce palmier à huile au Liberia”, indique à France 24 Louise Riley, co-auteure du rapport de Global Witness. Les habitants qui ont signé un accord avec la société perdent le droit d’exploiter ces terres pendant 98 ans et les contreparties - des “promesses floues” de travail et de soutien sanitaire - sont “largement insuffisantes”, d’après le rapport de l’ONG.
“Comportement discutable”
Coïncidence ou volonté délibérée de profiter d’une situation chaotique ? GVL assure qu’il n’y a aucun opportunisme dans l’accélération de ses activités au Liberia. La société a mis les bouchées doubles uniquement parce qu'elle avait "reçu un grand nombre d’invitations de communautés", selon un communiqué publié en réponse au rapport. Les dirigeants de GVL certifient que la population était "intéressée de travailler avec nous et nous préparions les dossiers depuis des mois déjà”. Une explication qui laisse l’ONG Global Witness dubitative. “Il nous est impossible d’affirmer que GVL a volontairement cherché à profiter de la situation, mais leur comportement durant ces mois est discutable”, remarque Louise Riley.
Les auteurs du rapport s’étonnent que GVL ait convié à plusieurs reprises des dizaines de personnes pour obtenir les signatures, alors que les autorités sanitaires appelaient, justement, à limiter les grands rassemblements. Ils soulignent également que les populations concernées étaient alors particulièrement vulnérables : les ONG qui, traditionnellement, les conseillaient lors des négociations étaient occupées par l’urgence humanitaire dans le pays.
Car les habitants des terres convoitées par GVL - essentiellement dans le sud-est du Liberia - sont souvent peu éduquées, voire illettrées, et ont donc du mal à comprendre les implications de leur signature. Depuis que Golden Veroleum a acheté au gouvernement du Liberia le droit de transformer 2 600 km² du sud-est du pays en petit empire d’huile de palme, en 2010, le groupe est régulièrement accusé d’avoir un appétit d’ogre qui s’accommode mal des intérêts des populations qui habitent sur ces terres. Global Witness estime que 41 000 Libériens seront "affectés" par cette appropriation.
Arrestations arbitraires, pressions et violence
Les négociations entre Golden Veroleum se font, d’après le rapport de Global Witness, dans un climat de "peur et d’intimidation" qui pousserait les populations locales à signer sans y regarder à deux fois. Une autre enquête de 2013 de “The Forest Trust”, une organisation britannique pour une exploitation équitable des ressources, dénonçait des arrestations arbitraires d’opposants aux cessions des terres, la présence d’au moins un “seigneur de guerre” libérien lors de plusieurs négociations ou encore la pression exercée par des politiciens influents. Global Witness ajoute à cette liste déjà impressionnante un exemple documenté de violences à l’encontre d’un humanitaire qui aidait les populations locales.
Golden Veroleum rétorque aux accusations de l’ONG que “l’intimidation et la contrainte sont contraires aux valeurs du groupe” et qu’il “n’investit que dans des zones où il a été invité par une majorité écrasante d’habitants”.
Sans les soupçons sur le comportement de GVL durant l’épidémie d’Ebola, les accusations à son encontre ne sortiraient pas du sordide ordinaire des scandales sur fond d’huile de palme. Particulièrement peu chère à produire, elle se retrouve dans un grand nombre de produits du quotidien (chocolat, shampoing, rouge à lèvre, pizza surgelée etc.). Il y a donc une forte demande et pour y faire face, les producteurs n’ont besoin que d’une chose : de la surface agricole.