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Après l’accord sur le nucléaire, Hassan Rohani peut-il amorcer un virage social en Iran ?

Sorti renforcé après l'accord nucléaire avec les grandes puissances, le président Hassan Rohani va devoir affronter d'autres défis en Iran, comme l’épineuse question des prisonniers politiques et des libertés civiques.

Deux ans après son élection, un nouveau défi s’impose au président iranien Hassan Rohani, dont la légitimité vient tout juste d’être renforcée par la réalisation de sa principale promesse de campagne : la signature d’un accord international sur le nucléaire en Iran. L’issue positive des négociations de Vienne, le 14 juillet, a été l’occasion pour de nombreux Iraniens de manifester leur joie pendant toute une nuit dans les rues de Téhéran. Une grande fête durant laquelle ont résonné les coups de klaxons, les louanges au ministre des Affaires étrangères, mais aussi des revendications pour davantage de libertés en Iran.

"Le prochain deal devra être l’accord pour nos droits civiques", a scandé la foule ce soir là, comme en témoignent les vidéos largement relayées sur les réseaux sociaux. Autre slogan lourd de sens scandé dans les rues de la capitale iranienne à l’adresse du président : "N’oubliez pas Moussavi", l’ex-candidat à l’élection présidentielle, assigné à résidence depuis près de quatre ans, après avoir dénoncé la réélection "frauduleuse" d'Ahmadinejad en 2009.

Les revendications prononcées dans la nuit de mardi font partie de la longue liste des promesses de campagne du président iranien. L’euphorie passée, la question se pose maintenant de savoir si Hassan Rohani sera suffisamment renforcé par son succès diplomatique pour pouvoir s’attaquer à l’épineux dossier des droits de l’Homme et de la liberté d’expression dans son pays.

Soutien du guide suprême

Tout au long de ces deux ans de négociations sur le nucléaire, Hassan Rohani a bénéficié du soutien indispensable du guide suprême. Quelques heures à peine après la signature de l’accord, Ali Khamenei a d’ailleurs félicité le président iranien et son cabinet pour leurs "honnêtes et durs efforts". Sa bénédiction a sans doute permis de contenir bien des attaques contre l’équipe gouvernementale.

Le dossier nucléaire a permis de faire consensus, analyse Ali Vaez, chercheur à l’International Crisis Group dans le "CS Monitor". Mais l’accord ayant abouti, ce consensus n’est plus nécessaire et les divergences entre factions rivales risquent de refaire surface. D’autant que rien n’indique que Rohani disposera du même appui du guide sur les questions des libertés civiques.

Une vengance des ultra-conservateurs

Depuis l’arrivée au pouvoir de Hassan Rohani, les témoignages en provenance de Téhéran font part d’un relâchement de la police des mœurs, surveillant moins la jeunesse, ce qui contraste très nettement avec les campagnes de "lutte contre les mal voilées", lancées sous la présidence d’Ahmadinejad. En revanche, le respect des libertés individuelles, l’accès aux médias internationaux et aux réseaux sociaux, la liberté de la presse sont encore fortement limités.

D’après Reporters sans frontières, sous la présidence Rohani, le nombre de journalistes derrière les barreaux n’a pas diminué : 25 reporters ont été arrêtés entre août 2013 et septembre 2014, ce qui fait de l’Iran la cinquième prison du monde pour la profession. D'ailleurs, l’Iran détient toujours le journaliste américano-iranien Jason Rezaian. Accusé d'"espionnage" et de "propagande contre le régime", le correspondant du "Washington Post" avait été arrêté à son domicile le 22 juillet 2014. Et le président iranien n'a rien pu faire pour le libérer, ni lui ni son équipe. Plusieurs fois, le gouvernement de Rohani a déclaré que le cas du journaliste américano-iranien était du ressort d’un pouvoir judiciaire indépendant.

Arrestation d’utilisateurs des réseaux sociaux

Quand bien même le président Rohani voudrait accroître le champ des libertés, il risquerait d'être bloqué par la colère des ultraconservateurs, exacerbée par sa victoire diplomatique sur le nucléaire.

D'ailleurs, à la veille de l’accord sur le nucléaire, le porte-parole du ministère iranien de la Justice, Gholam Hossein Ejei, a voulu en faire la preuve. Le "Guardian" rapporte qu'il a déclaré que cinq émigrés iraniens récemment arrêtés après leur retour au pays avaient été accusés de participer aux soulèvements de 2009. Il a également averti les utilisateurs des réseaux sociaux de "s’abstenir de comportements illégaux", indiquant que la cyberpolice iranienne avait interpellé un certains nombre d’activistes.

L’accord sur le nucléaire signé, le président iranien se retrouve donc, plus que jamais, coincé entre ses promesses de campagne et la pression des ultraconservateurs. Des élections législatives doivent se tenir en février 2016, ce qui laisse moins de six mois à Hassan Rohani pour convaincre son opinion publique de sa véritable capacité à réformer le pays.

Avec AFP