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Dette : le FMI met-il en péril l’accord arraché à Athènes ?

Le document sur la dette grecque rendu public mardi par le FMI remet en cause l’accord conclu entre Athènes et ses créanciers. Il pourrait pousser les députés grecs à voter contre les réformes mercredi. Pourquoi le FMI prend-il un tel risque ?

Bons baisers venimeux du Fonds monétaire international. L’organisation dirigée par Christine Lagarde a lâché, mardi 14 juillet, une bombe sur la zone euro sous la forme d’une analyse de la dette grecque. À sa lecture, Berlin a dû avaler son orthodoxie budgétaire de travers et les députés grecs peuvent se demander quelle est la valeur de l’accord conclu entre Athènes et ses créanciers et sur lequel ils doivent se prononcer mercredi 15 juillet.

Car le FMI a été très clair dans ce document : les projections économiques sur lesquelles reposent l’accord conclu à l’arrachée lundi ne sont pas réalistes et, surtout, le fait qu’aucune restructuration ou allégement de la dette grecque ne soit évoquée par les créanciers condamne Athènes à voir cette dernière s’envoler dans les années à venir.

Timing étrange

Cette remise en cause du plan établi après d’âpres négociations n’est pas surprenante, d’après John Ryan, économiste associé à la London School of Economics et spécialiste de la crise de la zone euro. “L’institution avait déjà reconnu, en 2013, que la politique d’austérité imposée à la Grèce sans véritable restructuration de la dette n’avait pas fonctionné et a appelé, dans un autre document rendu public le 2 juillet, à un allègement du poids de la dette”, rappelle-t-il. Le Fonds ne fait donc qu’être cohérent avec lui-même.

Mais cet expert reconnaît que le “timing” de cette nouvelle analyse est “étrange”. Après tout, le FMI a participé aux négociations qui ont amené le Premier ministre grec Alexis Tsipras à accepter les conditions imposées par ses créanciers. Pourquoi prendre aussi ouvertement ses distances après la bataille ?

Tout semble indiquer que le FMI cherche à torpiller un accord dont il n’a jamais vraiment voulu, estime Robert Preston, le chroniqueur économique de la chaîne britannique BBC. “Pourquoi les députés grecs voteraient-ils en faveur de mesures économiques que le Fonds monétaire international – qui est censé être l’arbitre de ce genre de questions – juge inutiles pour permettre au pays de retrouver la croissance–?”, écrit l’influent commentateur.

En outre, quelle est la validité d’un accord qui impose à la Grèce d’accepter davantage d’argent d’une institution qui, visiblement, “n’a pas du tout envie d’en donner” tant que la question de la dette ne sera pas réglée, ajoute-t-il. Il est vrai “qu’une des raisons pour lesquelles le FMI avait pris ses distances lors des négociations entre les créanciers et Athènes, il y a plusieurs semaines, était le désaccord persistant sur la question de la dette entre, d’un côté, l’institution internationale, et de l’autre, la Banque centrale européenne et l’Europe”, rappelle John Ryan.

Influence américaine

Pour autant, cet économiste ne pense pas que le FMI cherche à enterrer l’accord à tout prix. “Il s’agit d’une étude rédigée par des économistes du Fonds, pas de sa position officielle”, rappelle-t-il. La directrice du FMI, Christine Lagarde n’a, quant à elle, jamais pris le contre-pied des autres créanciers d’Athènes.

Il y a donc, d’après lui, une sorte de dédoublement de la personnalité du FMI qu’il faut accepter à défaut de vraiment le comprendre. Une des explications seraient que le département des analyses économiques de l’institution internationale est profondément influencé par la vision américaine de la situation. “Les États-Unis ne veulent pas que la Grèce sorte de la zone euro et devienne un électron libre dans une zone stratégique [proximité de la Turquie, base militaire américaine en Crète] avec à sa tête un gouvernement qui affiche ouvertement des sympathies pour la Russie”, explique John Ryan.

Pour Washington, la solution la plus simple pour garder la Grèce dans la zone euro serait d’effacer une partie de la dette ou, du moins, la rendre plus soutenable (en allongeant les délais de paiement ou en réduisant les taux d’intérêt). Sans cela, le problème risque de se reposer encore et encore jusqu’à ce que le camp du “Grexit”, qui gagne en popularité en Allemagne et dans d’autres pays du nord de l’Europe, impose sa solution aux autres. Le document publié mardi soir est, en ce sens, une manière de rappeler à ceux qui refusent toute restructuration – Berlin en tête – qu’ils n’ont pas encore gagné la bataille.

Tags: Grèce, FMI, Zone euro,