Les responsables européens le répètent depuis mardi : sans propositions sérieuses dimanche 12 juillet, la Grèce sera condamnée à sortir de la zone euro. Mais un "Grexit" serait un processus complexe aux lourdes conséquences pour tous.
Athènes à quelques jours de la sortie de la zone euro ? Mardi, l’Union européenne a mis le gouvernement grec au défi d’améliorer ses propositions de réformes pour obtenir une nouvelle aide financière avant dimanche 12 juillet. Sinon, c’est le “Grexit”.
Un grand mot qui sert d’épouvantail depuis le début des négociations entre le gouvernement d’Alexis Tsipras et ses créanciers, et qui recouvre une réalité complexe. La sortie de la Grèce de la zone euro peut certes être décidée du jour au lendemain, mais sa mise en œuvre ne se fera pas en une nuit. Explications d'un processus inédit, dont même les officiels européens ne maîtrisent pas tous les tenants et aboutissants.
Qui peut décider du “Grexit” ?
Seul le gouvernement grec peut décider de sortir de la zone euro. Mais le premier ministre Alexis Tsipras a répété à de multiples reprises qu’il n’avait pas l’intention de le faire.
Le problème pour le chef de l’exécutif grec est que l’UE peut lui forcer la main. La Banque centrale européenne a, en effet, le doigt sur le bouton du “Grexit”. Faute d’accord dimanche, l’institution a déclaré qu’elle couperait le financement d’urgence accordé depuis février aux banques grecques.
Athènes devrait alors trouver une solution pour renflouer les banques en déroute… sans avoir accès au moindre euro (les marchés financiers ne prêtent plus à la Grèce depuis 2010, pas de prêts internationaux en euros et pas d’aide de la BCE). Le gouvernement serait alors obligé de mettre en branle le processus de création d’une nouvelle monnaie, qu’il le veuille ou non.
Quelle serait la première mesure à prendre ?
Si la BCE montre à la Grèce la porte de la sortie de l’euro, la première étape pour Athènes serait de remettre le secteur bancaire en ordre de marche. Il y a fort à parier que le gouvernement nationalisera ses banques totalement ou partiellement. La BCE ou la zone euro, via le Mécanisme européen de stabilité (MES) seraient, en effet, peu enclins à mettre la main à la poche juste après avoir coupé les vivres à la Grèce.
Pour nationaliser les banques, l’État aurait à racheter les parts aux actionnaires. Avec quel argent ? C’est à ce stade que le gouvernement va devoir passer à une nouvelle monnaie pour renflouer les caisses des établissements financiers.
Avec quel argent les Grecs vivraient-ils ?
L’arrivée de la drachme, ou quel que soit le nom de la nouvelle devise, ne se fera pas du jour au lendemain. En attendant sa création et sa mise en circulation, un système monétaire transitoire verrait alors le jour.
L’État, qui n’a plus d’argent, remettrait des reconnaissances de dettes à tous ceux qu’il doit payer comme les fonctionnaires, les retraités ou les collectivités locales. Ces bouts de papiers sont appelés des “IOU”, un acronyme pour l’expression anglaise “I owe you”, c’est-à-dire “je vous dois [de l’argent]".
Cette “monnaie” transitoire permettrait de payer les impôts et autres taxes, mais pas le pain et les produits du quotidien. L’euro resterait, probablement, la devise utilisée pour les dépenses courantes. Les réserves d’euro proviendraient essentiellement des touristes, qui continueraient à payer en utilisant la monnaie unique européenne, et des transferts de fonds des Grecs à l’étranger. Sur les six premier mois de 2015, un cinquième du PIB grec provient de la diaspora, affirme Ludovic Subran, économiste en chef de l'assureur-crédit Euler Hermes, interrogé par l'AFP. Il y aurait donc toujours de l’argent liquide qui circulerait dans le pays.
Comment se mettrait en place la nouvelle monnaie ?
Créer de toute pièce une nouvelle monnaie prend généralement “un an et demi” quand il n’y a pas d’urgence, a expliqué De La Rue, le plus important imprimeur de billets au monde, au quotidien britannique “Daily Telegraph”. Il faut penser à l’aspect et la valeur de chaque pièce et billet, mettre en place des mesures pour éviter la contrefaçon, créer les moules, organiser la production etc.
Mais la Grèce n’a pas un an et demi à perdre. Le pays aura besoin au plus vite d’introduire sa nouvelle monnaie pour éviter le développement d’un marché noir et d’une économie parallèle à base de troc.
Lorsque le temps presse, une nouvelle devise peut voir le jour en six mois, souligne la société De La Rue, qui en a fait l’expérience lors de la création du Soudan du Sud en 2011. Dans le cas grec, le processus pourrait être encore plus rapide, puisque la possibilité d’un retour à la drachme avait déjà été à l’ordre du jour en 2012 et que l’État grec et des entreprises privées avaient alors planché sur la question.
La Grèce dispose en outre d’un important centre d’impression de devises à Cholargos, dans la banlieue nord d’Athènes. Il sert actuellement à imprimer une partie des billets de 10 euros qui circulent dans toute la zone euro et pourrait facilement être recyclé.
Mais ce processus a un coût non négligeable. Imprimer 1 000 billets de banque peut coûter jusqu’à 100 euros, précise à la chaîne américaine CNN, Bernd Kuemmerle, un responsable de la société allemande d’impression de billets Giesecke & Devrient. La règle est de produire 50 nouveaux billets par habitant, précise ce spécialiste, ce qui peut faire monter la douloureuse jusqu’à 55 millions d’euros.
Quelles seraient les conséquences pour les Grecs ?
Les Grecs seraient d’abord frappés au compte en banque. En effet, le gouvernement demanderait aux banques de faire la bascule d’une monnaie à l’autre sur la base d’une nouvelle drachme pour un euro.
Un Grec qui détient 100 euros en banque se retrouvera donc avec 100 drachmes. Mais la nouvelle devise subirait rapidement une forte dévaluation, de l’avis de tous les économistes. Les 100 drachmes vaudront, donc, bien moins que 100 euros.
Le gouvernement va, probablement, chercher à relancer la croissance en abaissant les taux d’intérêt (pour favoriser les crédits) et en imprimant toujours plus d’argent (pour remettre des liquidités dans l’économie). L’effet secondaire d’une telle politique est l’inflation. Les Grecs subiraient donc une décote de leurs avoirs en banque et une hausse des prix. La grande question est de savoir à partir de quand ça ira mieux.
Quelles seraient les conséquences pour les créanciers ?
La sortie de la zone euro signifie que la Grèce n’a pas les moyens de rembourser ses dettes. Elle doit, en tout, 323 milliards d’euros à ses créanciers publics et privés.
Le “grexit” ne veut pas dire que tous ceux qui ont prêté de l’argent à Athènes ne reverront pas un drachme de ce qui leur est dû. Une nouvelle phase va alors s’ouvrir : celle des négociations pour restructurer la dette grecque.
Le gouvernement grec se retrouverait à la table des négociations face à des prêteurs publics (États de l’UE, BCE et FMI) à qui il doit 286 milliards d’euros et à des créanciers privés qui détiennent 37 milliards d’euros en bons du Trésor grec.
Ce sont les Allemands qui ont prêté le plus d’argent à la Grèce (57,23 milliards d’euros) suivi par les Français (42,98 milliards d’euros). Mais le pays qui a le plus à perdre si Athènes ne remboursait rien est la petite Slovénie qui a avancé l’équivalent de 3,06 % de son PIB à la Grèce contre seulement 2,5 % pour l’Allemagne.