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Turquie : ces tribus kurdes qui ont lâché le président Erdogan

Alors que se tiennent, en Turquie, des législatives cruciales pour l’AKP, au pouvoir depuis 2002, les tribus kurdes ont retiré leur soutien au parti du président Erdogan. En cause : sa non-intervention lors de la bataille de Kobané.

Situé à un jet de pierre de la frontière syrienne, le village de Boydi, en Turquie, a vécu pendant des mois au rythme de la bataille de Kobané. La maison de Hanefi Tilge en conserve les traces. "C'est ici que cela a explosé. C'était une munition de gros calibre", indique-t-il en montrant les impacts qui tachètent l’un des murs de sa demeure.

Malgré le danger, Hanefi Tilge a toujours refusé d'abandonner son village. Question d'honneur pour ce chef de tribu kurde, celle des Didan, qui compte plus de 3 000 membres dans la région. Un statut qui, selon une tradition ancestrale, lui confère le droit d’énoncer des consignes de vote.

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Alors que les Turcs sont appelés, dimanche 7 juin, à désigner leurs députés, Hanefi Tilge a décidé, pour la première fois en 13 ans, que son clan ne voterait plus pour le Parti de la justice et du développement (AKP) fondé par le président Recep Tayyip Erdogan. "On aurait souhaité qu'il vienne en aide aux Kurdes. L'organisation de l’État islamique (EI) tapait de notre côté et personne n'a bougé. Erdogan ne nous a pas soutenus, il attendait que Kobané tombe", déplore-t-il.

Profond sentiment de trahison

Comme les Didan, plusieurs dizaines de clans du sud-est de la Turquie ont décidé de se ranger derrière le Parti pour la démocratie des peuples (HDP, pro-kurde). Des ralliements en nombre que cette formation politique kurde - la seule de Turquie - doit à l’importante campagne menée par ses militants auprès des chefs tribaux… "Ici, nous vivons dans un système féodal où ce sont les hommes qui prennent les décisions, explique Rojda Bilican, membre du HDP. Et dans les tribus, ce sont eux qui influencent ceux qui ne connaissent pas les partis politiques."

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Jusqu'aux dernières élections, les tribus, alors séduites par le discours islamiste du gouvernement, votaient massivement pour l'AKP. Mais l’immobilisme d’Ankara lors de la bataille de Kobané a fait naître un profond sentiment de trahison chez les Kurdes. "Les gens d'ici étaient au bord de la révolte, et c'est ce qui a coûté chez à l'AKP", analyse le chef tribal Sezai Kilic.

Alors que Recep Tayyip Erdogan espère que son parti obtienne la majorité des deux tiers nécessaire à l’élargissement de ses pouvoirs, la nouvelle alliance des tribus au HDP vient démontrer que la Turquie est de plus en plus divisée.