Après avoir évoqué un futur retrait de l’État hébreu, la société française Orange essuie des critiques acerbes du gouvernement israélien, qui l’accuse d’avoir cédé à des pressions externes. La société se défend de toute motivation politique.
Voilà Orange pris entre deux feux. D’un côté les autorités israéliennes et la société Partner s'opposent farouchement au retrait de sa franchise du pays, de l’autre, les lobbies pro-palestiniens la poussent à franchir le pas. Officiellement, Orange, qui a annoncé le 4 juin son intention de cesser "à terme" d’être présent en Israël, assure prendre ses décisions de manière indépendante.
"S'il appartient au président du groupe Orange de définir la stratégie commerciale de son entreprise, la France est fermement opposée au boycott d'Israël", a de son côté souligné le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, dans un court communiqué vendredi.
"Orange ne souhaite pas maintenir la présence de la marque dans les pays où le Groupe n’est pas ou n’est plus opérateur", est-il indiqué dans un communiqué publié jeudi par le groupe. La veille, le PDG Stéphane Richard avait déclaré, lors d’une conférence de presse au Caire, que s’il pouvait, il se désengagerait d'Israël sur-le-champ. Présent dans le pays depuis 1998, Orange est lié par une franchise avec la société israélienne Partner, laquelle utilise sa marque et son image, notamment dans les colonies israéliennes construites en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Ce contrat, renégocié en mai dernier, doit expirer en 2025.
"Les liaisons dangereuses d’Orange dans le territoire palestinien occupé"
De quoi hérisser le poil d'ONG françaises qui ont publié, fin mai, un rapport intitulé "Les liaisons dangereuses d’Orange dans le territoire palestinien occupé", incriminant vivement les activités de la société Partner, considérées comme illégales dans les colonies. D’ailleurs, quelques jours seulement avant la déclaration de Stéphane Richard au Caire, certaines de ces organisations, ainsi que deux syndicats, avaient interpellé le patron du groupe lors de son assemblée générale, l’engageant à se retirer de ces territoires.
Mathilde Dupré, chargée de plaidoyer auprès de l’ONG CCFD-Terre Solidaire, se souvient de cette rencontre, le 26 mai. "Ils nous ont dit qu’ils considéraient cette solution-là [le retrait, NDLR]", explique-t-elle à France 24, se réjouissant de l’annonce de la société.
Officiellement, Orange se défend toutefois de toute prise de position politique dans la région. "Cette décision n’a rien à voir avec le boycott" a affirmé un porte-parole du groupe interrogé par France 24, en référence à la campagne internationale anti-israélienne lancée par BDS (Boycott - Désinvestissement - Sanctions). "(Le groupe) n’a en aucun cas vocation à prendre part, sous une quelconque forme, à un débat de nature politique", stipule en outre le communiqué.
Le désir d’Orange de ménager l’Égypte
Le débat, en l’occurrence, serait davantage d’ordre stratégique qu’éthique, estime Mathilde Dupré. "Dans son communiqué, Orange ne s’est pas exprimé sur la situation des droits de l’Homme en Palestine et dans les colonies", déplore-t-elle. "L’annonce de son retrait s’explique plus par un souci d’image. Le groupe a une forte présence dans différents pays arabes et cette polémique croissante autour de leur lien avec un opérateur israélien dans les colonies a été identifiée comme un risque réputationnel croissant."
Dans le monde arabe, Orange est implanté en Jordanie, au Maroc, en Tunisie et en Égypte où il possède 94 % du capital de l’opérateur Mobinil, qui vend ses services à plus de 34 millions de clients, souligne le rapport de ces ONG. Dans ce dernier pays, des ONG, prenant part à la campagne BDS, se sont également mobilisées contre la politique d’Israël.
Lors de son allocution au Caire, mercredi, Stéphane Richard avait d’ailleurs tenu à ménager son audience : "Je sais que ce sujet est sensible ici en Égypte, mais pas seulement en Égypte… Nous voulons être un partenaire de confiance pour tous les pays arabes".
"La face noire d’Orange"
Les déclarations d’intention d’Orange ont été très mal reçues du côté israélien, où Partner Communications Company compte 2,77 millions d'abonnés, soit une part de marché de 28 %, selon son site internet. Jeudi, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a demandé au gouvernement français de "publiquement désavouer" Orange, qu’il détient à 25 %.
Le siège d'Orange Israel (Partner) après la déclaration du PDG de se retirer d'Israël. #BoycottOrange pic.twitter.com/Uq87TncKnv
— Israel Pictures (@IsraelPics) 4 Juin 2015Dans une lettre rendue publique, le ministère israélien des Affaires étrangères a, lui aussi, fait part de sa "vive préoccupation". "Notre ambassadeur (en France) s'est adressé aux autorités françaises pour obtenir des explications", a déclaré le porte-parole du ministère, Emmanuel Nahshon, "nous attendons des excuses de la part d'Orange". Pour l'heure, une manifestation a été organisée devant le siège de l’entreprise en Israël, et le logo d’Orange a été recouvert par des drapeaux israéliens.
Sous pression également des médias de l'État hébreu – certains ayant fustigé "la face noire d’Orange" - , le groupe a annoncé qu’il allait clarifier sa position.
Si les réactions d’indignation ont fusé, la rupture de la franchise d’Orange avec Partner ne semble pourtant pas, elle, à l’ordre du jour. "On devrait se maintenir jusqu’en 2025 car, pour l’instant, il n’y a pas de moyens juridiques pour se retirer plus tôt" a indiqué, très gêné, un porte-parole du géant des télécommunications à France 24. D’autant que Partner l’a explicitement rappelé : interrompre le contrat avant son échéance aurait "un coût".