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Syrie : pourquoi l’EI épargne le site antique de Palmyre

Depuis la chute de la cité antique de Palmyre aux mains de l'EI le 21 mai, le monde entier a les yeux rivés sur le joyau classé au Patrimoine de l'humanité, craignant sa destruction. Mais les jihadistes semblent avoir un tout autre objectif.

Les ruines antiques de Palmyre sont toujours sur pied. Presque étonnant, puisque l'organisation de l'État islamique (EI), qui s'est emparée de la ville le 21 mai, est notamment célèbre pour ses destructions de sites antiques en Irak comme au musée de Mossoul, à Nimroud ou à Hatra. Ainsi, depuis la chute de la cité antique syrienne aux mains des jihadistes, le monde entier a les yeux rivés sur les vestiges. De nombreux médias à travers le monde rapportent pourtant que le site n’a subi aucun dégât. Du moins pour l’instant.

Au lieu de s’attaquer aux antiquités, les jihadistes ont détruit la prison de Palmyre. Car la ville, appelée Tadmor en arabe, est également connue pour son pénitencier, l’un des symboles de la répression du régime syrien. Les jihadistes l’ont fait exploser le 30 mai. Une action dont ils ressortent auréolés de gloire, contrairement aux destructions d’antiquités.

Alors que la communauté internationale s’alarme du sort de Palmyre, joyau antique inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, l’EI a envoyé un message rassurant : les jihadistes ont affirmé qu’ils ne s’en prendraient qu’aux statues et non aux temples et autres vestiges de l’Antiquité. "Au sujet de la ville historique, nous la préserverons et ne lui ferons subir aucun dommage inch’Allah, en revanche nous pulvériserons les statues que les mécréants adoraient auparavant. Nous ne toucherons pas aux monuments avec nos bulldozers contrairement à ce que certains disent", a ainsi déclaré un jihadiste du groupe sur les ondes d’une radio fondée par un opposant au régime syrien, cité par le quotidien américain "International Business Times".

"L’EI est dans la droite ligne" de sa stratégie

L’EI chercherait-il en agissant ainsi à améliorer son image ? "Il ne faut y voir aucun changement de stratégie, assure Wassim Nasr, journaliste à France 24, spécialiste des mouvements jihadistes. L’EI est au contraire dans la droite ligne qu’il s’est tracée. Depuis le début l’organisation a été claire, ils ne détruisent que les statues, ce n’est donc pas nouveau."

"Quant à Palmyre, le but de l’EI a toujours été la prison, estime-t-il. En la détruisant, ils se posent en libérateurs de l’oppression du régime des Assad, ce qui est conforme à leur stratégie." Le symbole est en effet très fort. La prison de Palmyre est tristement célèbre pour le massacre de centaines de détenus par le régime en 1980, au temps de Hafez al-Assad, père de l'actuel président Bachar al-Assad.

Des prisonniers politiques, syriens, mais aussi d’autres pays du Moyen-Orient et de toutes les confessions y ont croupi et ont été torturés pendant de longues années. En signe d’ouverture, Bachar al-Assad avait annoncé sa fermeture en 2001. Elle avait ensuite officiellement rouvert en 2011 pour accueillir les révolutionnaires et autres déserteurs. Selon nombre d’observateurs, il est possible qu’elle n’ait jamais fermé et que des personnes portées disparues depuis des dizaines d’années y croupissaient encore jusqu’à ces dernières semaines. L'EI a récemment diffusé une vidéo et des photos inédites des geôles, notamment les cellules individuelles où la lumière du jour filtrait à peine.

Encore un geste fort de l’organisation jihadiste. "Personne n’a jamais vu l’intérieur de cette prison, et ce n’est pas une ONG de défense des droits de l’Homme qui en publie les premières images mais l’EI", observe Wassim Nasr qui souligne que c’est bien parce que le régime syrien se doutait des intentions de l’EI qu’il a fait transférer les prisonniers avant la chute de la ville. "Malgré toutes les horreurs qu’ils ont commises, la destruction de la prison est perçue comme quelque chose de positif ", conclut-il.