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Le fabuleux destin des siamois guinéens de l’hôpital Necker

Une équipe de chirurgiens de l’hôpital Necker, à Paris, est parvenue à séparer deux bébés siamois nés quatre mois et demi plus tôt en Guinée. Retour sur un succès chirurgical qui n’aurait pu voir le jour sans un extraordinaire élan de solidarité.

L’opération a eu lieu dans la plus grande discrétion. Mardi 26 mai, après huit heures d’intervention, deux siamois guinéens de 4 mois et demi ont été séparés avec succès à l’hôpital Necker, à Paris. Le dernier coup de bistouri a été donné, symboliquement, par le docteur Daniel Agbo Panzo, chef du service de chirurgie pédiatrique du CHU de Conakry où les jumeaux conjoints, Hassan et Boubacar, avaient été pris en charge à leur naissance.

Si, aujourd’hui, les séparations de siamois sont dans leur grande majorité couronnées de succès, celle pratiquée il y a une semaine sur les deux bébés guinéens revêt un caractère exceptionnel. Sans la coopération de services médicaux français et guinéens et l’élan de solidarité qu’il l’a accompagnée, l’opération n’aurait certainement jamais eu lieu.

Le sang froid de la sage-femme

Retour sur les faits. Il y a quatre mois et demi, lorsque Fatoumata, déjà mère de trois enfants de 4, 7 et 9 ans, arrive à l’hôpital Donka de Conakry, elle pense donner naissance à des jumeaux. Ce n’est qu’au moment de l’accouchement que la sage-femme découvre qu’il s’agit de siamois réunis par le ventre. Malgré la spécificité de la situation, l’équipe médicale garde son sang froid et parvient à sortir Hassan et Boubacar par voies naturelles. L’intervention n’aura duré que 15 minutes. Les deux garçons pèsent à eux deux 5,6 kg. Et sont en parfaite santé.

En Guinée, la naissance de ces deux enfants partageant un foie et un bout d’intestin grêle fait le tour des médias locaux. Djene Kaba Condé, l’épouse du président, s’émeut de cette naissance pas comme les autres. "Il faut bien comprendre que c'était la première fois que des enfants siamois naissaient vivants dans notre pays", a rappelé le docteur Daniel Agbo Panzo au "Figaro" .

Reste que la Guinée ne dispose pas de services susceptibles de procéder à la séparation. Très vite, les autorités guinéennes sollicitent des hôpitaux du continent africain. On se renseigne du côté du Sénégal, de l’Afrique du Sud, du Maroc et de la Tunisie. Mais aucun de ces pays ne compte d’établissement en mesure de mener pareille opération. De fait, les grands spécialistes capables de les pratiquer se comptent sur les doigts d’une main. La Première dame décide alors de contacter l’ambassade de France.

Grâce au concours de la Chaîne de l’espoir

À l’hôpital Necker, le professeur Yves Aigrain dirige en effet un service de chirurgie pédiatrique qui est passé maître en la matière. En 17 ans, l’établissement parisien a séparé 11 paires de jumeaux conjoints sans qu’il y ait eu de mortalité. Pour financer l’opération - aussi délicate qu’onéreuse -, le docteur Daniel Agbo Panzo se tourne vers la Chaîne de l’espoir. Le médecin pédiatre connaît bien cette organisation humanitaire qui, depuis sa création en 1994 par le professeur Alain Deloche, s’emploie à offrir un accès aux soins aux enfants les plus démunis. L’association lance alors un appel aux dons privés via une intense campagne "d’emailing". Et parvient à récolter les 100 000 euros nécessaires à l’intervention chirurgicale.

Censée se dérouler sur quatre heures, l’opération a finalement duré le double. Sans toutefois rencontrer de complication majeure. "Nos confrères anesthésistes ont fait un miracle, s’est réjouit sur RTL Éric Cheysson, président de la Chaîne de l’espoir. Ils ont mis trois heures à les installer, à les endormir simultanément, à les intuber, à mettre en place les deux ventilations. Je vous assure que c’est un exploit."

Chirurgiens plastiques, chirurgiens pédiatriques, radiologues, anesthésistes-réanimateurs… C’est tout un staff pluridisciplinaire qui a été mobilisé pour Hassan et Boubacar qui, après quatre mois et demi de vie à deux, devront désormais s’habituer à leur séparation. Lorsqu’on les installe dans le même berceau, les deux frères se cherchent encore, rapporte "Le Figaro".

Ils devraient rester entre deux et trois semaines à Necker. Avant de rejoindre la banlieue de Conakry où vivent leurs trois frères et sœur. "Ils vont être accueillis comme des héros, a estimé Éric Cheysson. Ils sont quand même la symbolique, permettez-moi de vous le dire, d’une Afrique très abandonnée."

Tags: France, Guinée, Santé,