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Burundi : trêve des manifestations à Bujumbura, tentative de "dialogue" avec le pouvoir

Les leaders du mouvement anti-troisième mandat ont décrété une trêve samedi à Bujumbura, et ont annoncé avoir entamé un "dialogue" avec le gouvernement. La veille, au terme d’une semaine de violences, trois personnes avaient été tuées.

Au terme d'une nouvelle semaine de manifestations et une alarmante escalade de la violence, Bujumbura connaissait, samedi 23 mai, une trêve décrétée par les leaders du mouvement anti-troisième mandat, qui ont entamé un "dialogue" avec le gouvernement.

À l'occasion de ce "nouveau dialogue entre les différentes parties engagé depuis quelques jours", les leaders de la contestation ont demandé "au gouvernement de montrer sa bonne foi en s'abstenant de tirer sur les manifestants".

Ces très discrètes négociations se déroulent sous l'égide de l'envoyé spécial de l'ONU Saïd Djinnit, de représentants de l'Union africaine (UA) et des pays de la région.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit vendredi encouragé par ce "dialogue politique" qui inclut des représentants de la société civile, de partis politiques, d'organisations religieuses et du gouvernement.

Néanmoins, "il y a un grand problème qui continue de diviser tout le monde ici", c'est la question du troisième mandat, a reconnu l'émissaire de l'UA, Edem Kodjo.

Bujumbura est restée étrangement calme samedi, et il devrait en être de même dimanche, en vertu de la trêve décrétée pour ce week-end par les leaders de la contestation.

Ce calme contrastait avec les scènes sanglantes de la veille au soir, quand trois personnes ont été tuées par l'explosion de trois grenades jetées dans la foule en plein centre-ville. Les auteurs ont pris la fuite. Mais pour la police, qui dit avoir appréhendé un suspect, pas de doute : ces attaques sont liées aux manifestants.

"Nous n'avons évidemment rien à voir avec ces attaques", a démenti Vital Nshimiramana, l'un des leaders du mouvement: "La police cherche à nous diaboliser pour pouvoir justifier l'usage excessif de la force".

Pourrissement politique

Cette attaque à la grenade - première du genre - contribue encore un peu plus à instaurer un climat d'instabilité et d'angoisse dans la capitale, qui connaît depuis fin avril un vaste mouvement de contestation populaire contre le président Pierre Nkurunziza, candidat à un troisième mandat à la présidentielle du 26 juin.

Des manifestations ont lieu quasi quotidiennement, émaillées de nombreux heurts avec la police, avec des dizaines de morts en quatre semaines. La police fait désormais un large usage de ses armes à feu pour disperser les opposants, faisant craindre un dérapage sanglant.

Malgré les menaces du pouvoir, l'échec du coup d'État et la répression de la police, les manifestants ne fléchissent pas, et la contestation a même pris racine durablement dans les quartiers.

C'est le pire des scénarios qui semble en train de se réaliser, celui du pourrissement politique. Avec toujours plus d'incidents qui rappellent par bien des aspects le spectre des années de la sanglante guerre civile entre majorité hutue et minorité tutsie (1993-2006).

De l'avis de tous les observateurs, le conflit n'est aujourd'hui pas ethnique mais politique, ce qui est d'une certaine manière rassurant. Certains extrémistes pourraient néanmoins être tentés de jouer la carte de l'ethnisme. Et surtout, le blocage reste total entre les deux camps.

>> À lire sur France 24 : "Burundi : les dessous du chaos"

Des élections législatives et communales, reportées de dix jours sous la pression internationale, sont censées se tenir le 5 juin, et marqueront le début des élections générales, avant la présidentielle du 26 juin. Beaucoup craignent des débordements.

La vitesse avec laquelle les gens quittent le pays est aussi révélatrice des peurs et des tensions. À ce jour, près de 110 000 Burundais ont trouvé refuge dans les pays voisins, dont 70 000 en Tanzanie.

Avec AFP