
Nvidia a annoncé son intention d'investir 100 milliards de dollars dans OpenAI REUTERS - Dado Ruvic
Ce sont des montants qui nécessitent généralement un investissement commun de plusieurs acteurs : banques, fonds, et autres. Mais pas cette fois : un seul groupe, le géant des puces informatiques Nvidia, a décidé, lundi 22 septembre, d’investir 100 milliards de dollars, soit 85 milliards d'euros, dans OpenAI, le créateur de ChatGPT.
Cette montagne d’argent doit permettre à la start-up de Sam Altman de construire des centres de données suffisamment grands pour fournir la puissance jugée nécessaire par OpenAI pour les prochaines étapes de la "révolution IA". "Tout commence par la puissance de calcul, et l’infrastructure qui permettra de l’acquérir servira de fondement à l’économie du futur", a assuré Sam Altman pour justifier cet accord.
Nvidia ne va pas tout investir en une fois. Le géant américain compte dépenser par étapes et probablement par tranches de 10 milliards de dollars au fur et à mesure de la construction des centres de données, souligne le Financial Times.
Cet investissement ne sera pas uniquement, une fois réalisé à 100 %, le plus important par une société dans une seule et unique start-up. Il est aussi symptomatique de l’état actuel de l’économie de l’IA et de certains excès qui deviennent de plus en plus visibles.
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De l’argent de poche pour Nvidia
Pour Nvidia, cet investissement représente "plus ou moins l’argent disponible à la fin d’une année fiscale", assure le Financial Times. Autrement dit, le risque financier est très maîtrisé. Il ne devrait pas obliger le géant, qui vaut plus près de 4 500 milliards de dollars en Bourse, a faire des économies pour se permettre d’investir ainsi sur plusieurs années.
Surtout, la simple annonce de cet accord "a permis à l’action de Nvidia de grimper de près de 4 % en une seule journée", note Alexandre Baradez, analyste financier pour IG France. Ce qui, d’après les calculs de plusieurs médias américains, correspond à un gain boursier de plus de 100 milliards de dollars.
Nvidia a donc gagné en Bourse plus d’argent en une journée que ce que la société compte investir dans OpenAI. Certes, le groupe "ne peut pas simplement puiser dans ces gains pour payer l’investissement à venir, mais cela va clairement lui simplifier la tâche pour le financer", estime Alexandre Baradez.
- L’entre-soi
"On a affaire à un système d’investissements croisés", assure Alexandre Baradez. En effet, l’argent que Nvidia met à disposition d'OpenAI doit permettre au créateur de ChatGPT de bâtir des centres de données qui, pour fonctionner, auront besoin de puces informatiques suffisamment puissantes… fabriquées par Nvidia.
"Un prêté pour un rendu", qui se fait en pleine transparence. La première phase de cet accord, c’est-à-dire la mise en route du premier giga-centre de données, doit se concrétiser en 2026 "à temps pour le lancement de Vera Rubin, la nouvelle puce graphique de Nvidia", souligne OpenAI dans son communiqué annonçant l’accord.
Il y a mieux pour le géant des puces informatiques : OpenAI avait annoncé il y a un peu plus de dix jours un accord de 300 milliards de dollars avec le géant de l’informatique Oracle pour le "développement des infrastructures" nécessaires à l’IA. Là encore, Oracle aura besoin des puces de Nvidia pour ce programme gigantesque.
"OpenAI pourra utiliser l’argent de Nvidia pour payer Oracle, qui devra acheter des puces graphiques à Nvidia qui réinvestira [ces fonds] dans OpenAI", résumé Sully Omarr, un créateur de contenus sur l’économie de l’intelligence artificielle générative sur X.
"On est en présence d’un petit groupe d’entreprises qui investissent les uns dans les autres des sommes colossales qui, au final, ont un impact direct sur l’économie américaine", souligne Alexandre Baradez. "L’’une des raisons pour lesquelles l’économie américaine a repris des couleurs au troisième trimestre, ce sont ces investissements massifs. Donc, le dynamisme économique américain dépend en ce moment essentiellement d’un secteur : l’IA, et d’une poignée d’acteurs", décrypte Alexandre Baradez.
- Nvidia, chef d’orchestre de l’IA
Le "grand mystère" de cet accord s’appelle Nvidia pour le Financial Times. Le géant américain "n’a pas de vrai concurrent capable de fournir des puces graphiques puissantes en quantité suffisante pour les IA", souligne le Financial Times. Nvidia n’a donc pas besoin de "s’acheter" un client fidèle avec un investissement massif de 100 milliards de dollars.
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Réessayer
Pourquoi tant de "générosité" alors ? "La raison principale tient à un souci de diversification", assure Alexandre Baradez. Les besoins en puces peuvent chuter ou alors des concurrents peuvent émerger. Nvidia se prépare à ces éventualités en s’achetant une participation conséquente dans la start-up star de cet écosystème.
Nvidia dope par ailleurs la ferveur pour l’IA. Depuis mars, le géant a investi dans plusieurs acteurs du secteur, tels que la start-up CoreWeave (solution de puissance de calcul pour l’IA), et xAI d’Elon Musk. Nvidia a même prêté cinq milliards de dollars à son concurrent direct Intel début septembre. Nvidia s’assure de la bonne santé de ses potentiels clients et montre l’exemple à d’autres investisseurs, explique le Wall Street Journal.
- "Show must go on"
"Cette annonce vise en grande partie à faire passer des messages", confirme Alexandre Baradez. Si pour Nvidia, il s’agit de montrer l’exemple, OpenAI a besoin "d’une surenchère des investissements", reconnaît Alexandre Baradez.
Pour l’instant, l’IA repose surtout sur des promesses de gains à venir et la plupart des start-up, y compris OpenAI, ne font pas encore de profits. Pour continuer à intéresser les investisseurs, il faut leur montrer que des géants comme Nvidia sont prêts à mettre 100 milliards de dollars sur la table.
Cerise sur le gâteau pour OpenAI : "Cela risque de restreindre la concurrence car tout le monde ne pourra pas lever autant d’argent pour rester dans la course", affirme Alexandre Baradez.
- Un air de déjà-vu
Ces investissements massifs dans une technologie qui n’a pas encore fait ses preuves économiques peuvent rappeler les dérives de la bulle Internet de la fin des années 1990.
Les start-up de l’IA "ont des valorisations de plus en plus sans rapport avec la réalité de leurs revenus", reconnaît Alexandre Baradez. C’est ce qu'il s’était produit juste avant l’éclatement de la bulle Internet
La principale différence, cette fois-ci, est que l’IA est déjà dominée par les grands groupes comme Meta, Google, Nvidia. Ils devraient survivre sans trop de problème à la fin de la bulle IA. Les seules victimes seront les petits acteurs qui cherchent à se faire une place au soleil.