Films, jurés, règne des Français et de la langue anglaise... À la veille de l’ouverture du Festival de Cannes, France 24 fait le point sur les informations à connaître avant de suivre la 68e édition du "plus grand événement culturel au monde".
- Qui sont les jurés ?
C’est un jury jeune, glamour et respectueux de la parité (cinq hommes, quatre femmes) qui aura la délicate tâche de départager les 19 films en compétition au 68e Festival de Cannes. Chapeauté par les présidents Ethan et Joel Coen, les actrices Sophie Marceau, Sienna Miller, Rossy de Palma, le comédien Jake Gyllenhaal, les réalisateurs Xavier Dolan, Guillermo del Toro et la chanteuse Rokia Traoré constituent une assemblée de Sages somme toute assez hétéroclite malgré une importante représentation nord-américaine.
Aussi, comme chaque année, les membres du jury devront s’employer à ne pas éveiller les soupçons de copinage. Pas si simple tant le monde du cinéma est petit. Jake Gyllenhaal, par exemple, a joué deux fois pour le Canadien Denis Villeneuve, en compétition avec "Sicario". Film ayant bénéficié des lumières du chef opérateur britannique Roger Deakins, connu pour ses nombreuses collaborations avec… les frères Coen.
On se souvient qu’en attribuant la Palme d’or 2009 à Michael Haneke, la présidente Isabelle Huppert, son actrice fétiche, avait été accusée de favoritisme. Plus récemment, le jury 2012, présidé par Nanni Moretti, avait été pointé du doigt pour avoir récompensé une majorité de films distribués par Le Pacte, la société qui se charge également des œuvres du cinéaste italien.
Bon courage donc aux nouveaux jurés…
- Y a-t-il trop de film français ?
Le cinéma français joue à domicile et ça se voit. Sur les 19 films concourant pour la Palme d’or, cinq sont le fruit d’un ou d’une cinéaste tricolore (Jacques Audiard, Stéphane Brizé, Valérie Donzelli, Maïwenn, Guillaume Nicloux). Un ratio que Thierry Frémaux, le délégué général du festival, explique par un nombre important de bons films hexagonaux soumis au comité de sélection.
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Même hors compétition, les Français ont été particulièrement choyés puisque c’est "La Tête haute" d’Emmanuelle Bercot qui ouvrira les hostilités et le documentaire "La Glace et le Ciel" de Luc Jacquet qui les clôturera. Sans compter les programmations de "Love" de Gaspar Noé en séance de minuit ainsi que d’"Asphalte" de Samuel Benchetrit et d’"Une histoire de fou" de Robert Guédiguian en séances spéciales.
Sur Slate.fr, le critique Jean-Michel Frodon voit dans cette sur-représentation le "symptôme d’une trop grande proximité des sélectionneurs avec l’industrie française du cinéma, industrie qui déploie toute sa puissance d’influence pour que ses produits soient sélectionnés, ce qui est tout à fait naturel." Dans "Télérama", Thierry Frémaux se défend en pointant l’absence d’une concurrence de qualité : "La vraie question, c’est la perte d’influence de l’Europe de l’Est, d’une partie de l’Amérique latine et la manière dont Hollywood a du mal à sanctuariser un cinéma d’auteur fondamental d’un point de vue artistique mais moins performant financièrement."
Il est vrai que, cette année, le contingent américain semble bien mince. Seuls trois films estampillés US sont en lice pour la Palme : "Carol" de Todd Haynes, "La Forêt des songes" de Gus Van Sant et "Sicario" de Denis Villeneuve qui est… québécois.
- L’anglais est-elle devenue la langue officielle de la compétition ?
"To be or not to be in English ?" Telle est la question qu’une grande partie des réalisateurs non anglophones de la compétition semblent avoir tranché. Des trois cinéastes italiens en lice pour la Palme, seul Nanni Moretti ("Mia Madre") a tourné dans sa langue maternelle, Paolo Sorrentino ("Youth") et Matteo Garrone ("Tale of Tales") ayant décidé de le faire en anglais.
Idem pour le Norvégien Joachim Trier ("Plus fort que les bombes"), le Grec Yorgos Lanthimos ( The Lobster") et le Mexicain Michel Franco ("Chronic"). S’ajoute également Guillaume Nicloux et son "Valley of Love" dont l’action se déroule aux États-Unis et contraint donc ses acteurs Gérard Depardieu et Isabelle Huppert à s’exprimer dans la langue du pays.
Thierry Frémaux assure pourtant être très attentif à la diversité linguistique. "Chaque année, nous recevons un nombre incalculable de films qui se passent dans des pays non anglophones dont les réalisateurs veulent raconter la culture et l’histoire dans une langue anglaise qui apparaît, de fait, extrêmement saugrenue. Et de ce point de vue, nous sommes vigilants et faisons en sorte de ne jamais les sélectionner", a-t-il précisé lors de la présentation de la sélection officielle en avril.
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Seulement voilà, lorsque Matteo Garrone adapte des contes napolitains dans la langue de Shakespeare, on peut se dire qu'il le fait pour des raisons aussi commerciales qu’artistiques. De fait, pour le réalisateur italien - comme pour Trier, Lanthimos ou Franco -, l’anglais permet de débaucher des stars internationales (et donc anglophones), de pénétrer un plus large marché et de prétendre aux nominations des grandes cérémonies annuelles, tels les Golden Globes ou les Oscars.
- Mais ils sont où les "habitués" ?
Lors de l’annonce de la sélection officielle le mois dernier, la déception fut grande de découvrir que certains "habitués" du Festival n’eurent pas les honneurs de la compétition. Toujours prompte à s’exclamer "toujours les mêmes !", la critique s’est, cette année, étonnée de ce qu’un Apichatpong Wheerasethakul, Palme d’or 2010, un Brillante Mendoza ou une Naomi Kawase se retrouvent "relégués" en section Un certain regard. Pis, Arnaud Desplechin, dont la plupart des films ont jusqu’alors concouru pour le Graal, devra présenter son film "Trois souvenirs de ma jeunesse" dans une sélection parallèle : la Quinzaine des réalisateurs.
À propos de ceux qui s’en sont offusqués, Thierry Frémaux a affirmé qu’ils "ne respectent pas la Quinzaine". Rien de honteux effectivement à figurer dans cette programmation subsidiaire. Puisqu’aux côtés d’Arnaud Desplechin se trouvent d’autres cinéastes de renom tels le Français Philippe Garrel, le Portugais Miguel Gomez ou le très prometteur réalisateur américain Jeremy Saulnier.
Quant aux autres absents comme Jeff Nichols ou Sean Penn, longtemps pressentis pour la compétition, leurs films, dit-on, n’étaient tout bonnement pas finis. Dommage…
- Que va faire Gilles Jacob ?
Pendant plus de 35 ans, il a marqué le Festival de son sceau. Cette année, Gilles Jacob assistera pour la première fois aux festivités en tant qu’ancien président. Celui qui a laissé, l’an passé, la main à Pierre Lescure, jure ne cultiver aucune nostalgie.
"Cela ne me fait pas grand-chose car j’ai préparé depuis cinq ans ma reconversion, qui est un passage à la littérature, a-t-il assuré sur le plateau de France 24*. Je vais retourner au Festival à la fois pour m’occuper de la Cinéfondation [compétition regroupant des œuvres d’étudiants en cinéma] et en même temps pour regarder tout ce qui se passe car je ne peux pas m’en empêcher."
Cette 68e édition sera peut-être l’occasion pour lui de monter – enfin ! – les fameuses marches. Étonnamment, Gilles Jacob ne les a jamais gravies. "Nous sommes les organisateurs, nous ne sommes pas des vedettes, nous devons rester dans l’ombre, donc on passe par l’entrée de secours."
L’ancien président renouera également avec le plaisir de découvrir les œuvres sélectionnées en même temps que le festivalier lambda. "Cette année, je vais aller à Cannes en totale virginité pour ce qui concerne les films. Mais je suis content de rencontrer les amis que j’ai là-bas, notamment les amis étrangers. On ne se voit qu’une fois par an et on se recharge en énergie pour repartir faire des films, inventer des projets, c’est cela Cannes aussi."