
C'est par les Antilles françaises que François Hollande a entamé sa tournée dans les Caraïbes, où il doit participer à deux grands rendez-vous sur le climat et la mémoire de l'esclavage.
Quinze ans qu'ils n'avaient pas vu cela. François Hollande est arrivé vendredi 8 mai à Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Accompagné de la garde des Sceaux Christiane Taubira, de la ministre de l'Écologie Ségolène Royal et de la ministre de l'Outre-Mer George Pau-Langevin, il doit ensuite se rendre en Martinique et Guadeloupe, pour participer à deux grands rendez-vous sur le climat et la mémoire de l'esclavage.
"Merci d'être ici [...]. Merci d'avoir attendu si longtemps", a ainsi lancé le président français, arrivé à 17 h locales (23 h à Paris), chaleureusement accueilli par une centaine d'habitants et touristes à la sortie du petit aérodrome de Gustavia, à l'ouest de l'île de Saint-Barthélemy. La dernière visite d'un président français y remonte à celle de Valéry Giscard d'Estaing en 1980.
À Saint-Barthélemy et Saint-Martin, le chef de l'État était attendu sur des revendications locales. François Hollande a proposé vendredi à Saint-Barthélemy, un "compromis" pour régler un contentieux fiscal entre l'État et l'île, né d'une situation inédite de dotation négative depuis le changement de statut en 2007, lorsque le petit territoire est devenu une collectivité territoriale d'outre-mer (COM), émancipé de la Guadeloupe. Selon ce "compromis", Saint-Barth' la riche, qui n'avait voté qu'à 17 % pour François Hollande en 2012, ne rembourserait que "la moitie de sa dette, soit un effort de 20 millions d'euros".
À Saint-Martin, île binationale franco-néerlandaise, la situation est toute autre. La collectivité connaît de graves problèmes financiers dus à des difficultés à recouvrer l'impôt et surtout à une situation sociale tendue avec près de 10 % des 40 000 habitants touchant le RSA. Et nombreux sont ceux qui travaillent dans la partie hollandaise sans le déclarer côté français.
Plaintes de descendants d'esclaves
À la Guadeloupe, où il inaugurera le 10 mai un grand centre de mémoire sur l'esclavage, à l'occasion de la journée qui lui est consacrée, il a été devancé par plusieurs initiatives locales remettant sur le devant de la scène le sujet des réparations, auxquelles chef de l'État est opposé. Me Roland Ezelin, avocat en Guadeloupe, a indiqué à l'AFP que "deux assignations ont été lancées devant les tribunaux de grande instance de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre" par "des citoyens tous descendants d'esclaves", demandant réparation à l'État pour le "préjudice" découlant de la traite négrière et de l'esclavage.
"Il y aura une vague de plaintes", a déclaré un autre avocat membre d'un collectif qui assure la défense des plaignants. Le Comité international des peuples noirs (CIPN) devrait prochainement se greffer à cette procédure, selon sa présidente Jacqueline Jacqueray.
De plus, un représentant local du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), Gilbert Edinval, a indiqué avoir porté plainte début avril contre l'État pour crime contre l'humanité, tandis que Joëlle Ursule, l'ex-chanteuse de Zouk Machine, a de son côté monté un collectif avec d'autres artistes antillais pour entamer une action similaire.
Les représentants de la Caraïbe, ainsi que les présidents du Sénégal (Macky Sall), du Mali (Ibrahim Boubacar Keïta) et du Bénin (Thomas Boni Yayi), pays de départ de la traite négrière, rejoindront François Hollande à Pointe-à-Pitre pour inaugurer le Mémorial ACTe, "le plus grand centre du monde consacré à l'esclavage", selon l'Élysée, qui aborde aussi les résistances, les modes de vie, les abolitions et les formes modernes d'esclavage.
Ce bâtiment à l'architecture moderne ambitionne de "faire vivre la mémoire et la réconcilier avec l'Histoire", selon les termes de Victorin Lurel, président PS de la région Guadeloupe, qui a porté ce projet et qui fait face à des critiques sur le coût (80 millions d'euros) et l'opportunité d'un tel lieu, loin des préoccupations quotidiennes de la population.
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Samedi, François Hollande présidera en Martinique un sommet régional sur le climat, en prévision de la COP 21 en décembre à Paris. Ce "Caraïbe Climat" accueillera une trentaine de délégations de toute la Caraïbe, dont le président haïtien Michel Martelly, 13 Premiers ministres et six ministres, dont sans doute un Cubain.
Dans la foulée de cette séquence franco-antillaise, le président de la République s'envolera pour une visite historique, à Cuba puis Haïti, les 11 et 12 mai.
Avec AFP