Dans un entretien accordé au "Journal du Dimanche", le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s'exprime pour la première fois sur les allégations de viols commis par des soldats français en Centrafrique. Il réclame la vérité.
"Qu’il se dénonce immédiatement." Revenant sur les allégations de viols commis en Centrafrique sur des enfants par des soldats français, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian est sans appel : si un soldat français s'est rendu coupable d’un tel crime lors de la mission Sangaris, il doit se dénoncer.
Dans une interview publiée dimanche 3 mai dans le Journal du Dimanche (JDD), le ministre réclame la vérité : "Si quelqu'un a sali le drapeau, parce que c'est de cela qu'il s'agit, il faut qu'il le dise dès à présent, car cela revient à trahir ses camarades, l'image de la France et la mission des armées."
À la suite des témoignages d’une dizaine d’enfants du camp de déplacés de M'Poko, situé près de l’aéroport international de Bangui et sécurisé – entre autres – par des soldats français de la force Sangaris, une première enquête a été menée conjointement par l’ONU et l’Unicef en mai et juin 2014. Son existence a été révélée par la presse britannique cette semaine.
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Selon une source judiciaire, 14 militaires, dont certains identifiés, seraient concernés par ces accusations de violences sexuelles potentiellement désastreuse pour l'image de la France et de son armée en Afrique.
L'enquête toujours au stade préliminaire
Informé de l’affaire depuis le 27 juillet 2014, le ministre assure avoir ressenti "du dégoût, une forme de trahison par rapport à la mission confiée à l'opération Sangaris". "J'ai immédiatement transmis le rapport à la justice. C'était notre volonté pour que toute la vérité soit faite le plus vite possible", a-t-il ajouté.
Parallèlement à la transmission du dossier de l’ONU au parquet de Paris, le chef d’état-major des forces armées a lancé fin juillet 2014 sa propre enquête. Conclue dès le mois d’août, cette investigation a été "mise à la disposition de la justice", assure le ministre. Mais neuf mois après l’ouverture du dossier, l’enquête de la justice en est toujours au stade préliminaire.
"Je crois que c'est une enquête complexe. Depuis les faits allégués, la plupart des soldats ont quitté ce théâtre d'opération mais cela ne doit pas empêcher la justice de faire son travail avec célérité", estime Jean-Yves Le Drian.
Ressentiment et colère
Les autorité de Bangui ont également ouvert une enquête pour viols sur mineurs et pédophilie confiée à une section de recherche et d’investigation de la police judiciaire centrafricaine, a annoncé vendredi le procureur de Bangui Ghislain Grésenguet, qui a découvert en même temps que le grand public, le scandale qui éclabousse l'armée française.
Si Jean-Yves Le Drian ne précise pas dans son entretien au "JDD" pourquoi les autorités judiciaires centrafricaines n’ont pas été informées de l’ouverture d’une enquête au parquet de Paris, il précise avoir informé le président François Hollande dès qu’il a eu connaissance des accusations de l'ONU. La détermination du chef de l’Etat à sanctionner les coupables, si les faits sont avérés, "sera implacable", souligne le ministre de la Défense. "Je ne mesurerai pas ma colère", promet-il pour sa part.