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Le vignoble chinois dépasse pour la première fois celui de la France

La Chine possède désormais près de 800 000 hectares de terre viticole, d’après les chiffres publiés, lundi, par l’Organisation internationale du vin. Elle dépasse pour la première fois la France. Une mauvaise nouvelle ?

Peur sur le vignoble français. Il n’est plus que le troisième au monde en superficie. La Chine vient de dépasser la France, d’après les chiffres publiés, lundi 27 avril, par l’Organisation internationale du vin (OIV). Le géant asiatique n’est plus devancé que par l’Espagne qui demeure largement en tête avec 1,02 million d’hectares (ha) de vignes, contre 799 000 ha pour la Chine et 792 000 ha pour la France.

Il y aurait de quoi avoir mal à son patrimoine viticole et la plupart des médias français ont souligné cette perte d’une place. Surtout, la Chine a réussi à monter sur la deuxième marche du podium en 15 ans seulement. En 2000, le vignoble chinois ne représentait que 4 % des vignes mondiales contre 11 % aujourd’hui.

La Chine, huitième producteur seulement

Le monde risque-t-il de se noyer dans un océan de rouge, de blanc et de rosé "made in China", à l’image de ce qui s’est passé, dans les années 2000, avec le textile ? Ce serait vendre la peau du raisin avant de l’avoir pressé.

D’abord, si la Chine a beau avoir étendu ses domaines agricoles, elle ne pointe qu’à la huitième place des producteurs de vin, très loin de la France qui domine ce classement, précisent les auteurs du rapport annuel de l’OIV. Cet apparent paradoxe est dû, en partie, à une récolte faible l’an dernier. En outre, rien ne dit que la multiplication des vignobles ne sert qu’au vin. Une partie est aussi destinée à la production de raisins secs ou de table, soulignent les responsables de l’organisation internationale.

Pékin n’a pas non plus les mêmes plans pour son rouge que pour ses T-shirt produits à la chaîne et exportés à vitesse grand V. "Le développement du vin en Chine, qui a commencé il y a 30 ans, se fait essentiellement pour apporter une boisson nouvelle à la population en substitution à celles à base de céréales [alcool de riz, NDLR] qui pourraient être utilisées pour la nourriture", raconte à France 24 Robert Tinlot, ancien directeur de l’OIV et président de l’Académie Amorim (institut de recherche en œnologie).

La France, bien placée pour étancher la soif chinoise

Les Chinois sont, en outre, de plus en plus friands de vin. "Le pays ne réussit qu’à produire 80 % de la consommation domestique, et la demande croît plus rapidement que l’offre, il y a donc très peu de marge pour l’exportation", explique Antoine de Lacheisserie, vice-président de l’Université du vin de Suze-la-Rousse.

L’abus de vignobles chinois ne serait donc pas dangereux pour la santé viticole française. Bien au contraire. En tant que reflet de l’intérêt croissant pour cette boisson, ce serait même une bonne nouvelle. La France est bien placée pour étancher la soif chinoise, puisque 50 % des importations viticoles de Pékin proviennent de France, souligne Antoine de Lacheisserie.

Encore faut-il, pour en profiter, que le bon vin continue à être associé à la France dans l’esprit chinois et non pas à l’Australie, la Californie ou à d’autres pays d’Amérique du Sud. La filière tricolore fait, en tout cas, ce qu’elle peut pour y parvenir. Les viticulteurs et œnologues français ne rechignent pas à apporter leur expertise à la Chine pour améliorer la qualité de la production sur place. "On commence à trouver des vins tout à fait buvables et la France y est pour quelque chose", s’amuse Antoine de Lacheisserie qui se rend fréquemment en Chine. C’est important car "cela permet d’améliorer la compréhension du vin et de l’importance du terroir", souligne ce spécialiste. Des valeurs qui, juge-t-il, ne peuvent jouer qu’en faveur des exportateurs français et de leur tradition viticole.

Politique anti-corruption

"La référence à la France en matière de vin est primordiale en Chine", confirme Robert Tinlot qui est aussi un grand connaisseur du pays. Elle s’exprime notamment à travers la création de grandes domaines, comme celui de l’entreprise Chang Yu. Cette société, l’un des plus importants producteurs nationaux, "construit de grandes exploitations autour de châteaux, souvent calqués sur le modèle français, qui servent aussi bien à la plante de la vigne qu’à la production du vin et au tourisme", raconte Robert Tinlot. Pour lui, c’est une manière, au-delà du goût, de populariser la "culture de la vigne et du vin".

Reste que toute cette entreprise de séduction se heurte actuellement à un obstacle politique. La lutte contre la corruption, initiée par le président Xi Jinping, peut faire mal aux exportations françaises. Ce combat passe notamment par la traque aux signes extérieurs de richesse, comme la consommation d’un grand cru français. Les champagnes et autres grands noms constituent une part importante des exportations viticoles françaises, rappelle le journal "Les Échos". L’OIV a d’ailleurs constaté que les importations de Cognac et de grands Bordeaux avaient souffert de cette nouvelle politique.