Au troisième jour de manifestations contre la candidature à la présidentielle du chef de l'État burundais, Pierre Nkurunziza, personne ne veut céder. Libéré mardi, l'opposant Pierre-Claver Mbonimpa a déclaré à France 24 que cette lutte allait durer.
Le bras de fer se poursuit au Burundi. Et rien, pour l’heure, ne permet de dire quand il s’achèvera. Alors que le pays connaissait, mardi 28 avril, son troisième jour de manifestations contre la candidature du chef de l’État Pierre Nkurunziza à la présidentielle du 26 juin, ce dernier a fait savoir qu’il ne renoncerait pas à briguer un troisième mandat.
"On ne recule pas, ça c'est hors de question", a déclaré à l'AFP Willy Nyamitwe, son conseiller en communication, pour qui les manifestants "sont des gens qui ne veulent tout simplement pas aller aux élections parce qu'ils ont peur des élections". Et de poursuivre : "Le parti au pouvoir, dans un processus démocratique, avait le droit de présenter son candidat à la présidentielle 2015 comme tous les autres partis. Nous devons aller aux élections. C'est le peuple qui doit trancher."
Signe que la situation ne semble pas près de se débloquer, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a décidé de dépêcher à Bujumbura, la capitale, son envoyé spécial pour la région des Grands lacs, Said Djinnit. Objectif : mener des "consultations avec le président Nkurunziza et d'autres autorités gouvernementales, les dirigeants de partis politiques et les membres de la communauté diplomatique".
"Soulèvements"
Mission délicate tant les différents camps paraissent peu disposés au dialogue. De fait, les autorités burundaises, qui qualifient les manifestations de "soulèvements", ont interdit tout rassemblement.
Mardi, alors que la présence policière avait été renforcée dans les quartiers périphériques de Bujumbura, des incidents se sont de nouveau déroulés. À Musaga, dans le sud de la capitale, notamment, quelques centaines de jeunes ont dressé des barricades de pierres surmontées de pneus enflammés, avant de jeter des pierres. La police a répliqué à l'aide de gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes et canons à eau, et arrêté au moins trois manifestants.
Pour enrayer les protestations, les autorités ont également fermé la RPA, radio indépendante la plus écoutée du pays, accusée de relayer les appels à manifester, et arrêté des centaines de personnes. Parmi elles se trouvait une figure de la société civile, Pierre-Claver Mbonimpa, patron de la principale organisation de défense des droits de l'Homme du pays, qui avait appelé à descendre dans la rue.
Libéré mardi 28 avril, Pierre-Claver Mbonimpa a confié à France 24 qu'il ne pensait pas que les protestations allaient cesser. "Pour que ce mouvement arrête, il faut que le président se prononce et qu'il abandonne le troisième mandat", a-t-il expliqué, en insistant sur la détermination de la population.
Un mandat d'arrêt a aussi été émis contre Vital Nshimirimana, principal organisateur au sein de la société civile de la campagne anti-Nkurunziza, passé dans la clandestinité mais qui, dans un entretien téléphonique à l'AFP, a également promis de continuer à se mobiliser contre le pouvoir.
"Intimidation et violences"
Société civile et opposition jugent une candidature de Nkurunziza pour un troisième mandat inconstitutionnelle, la loi fondamentale du Burundi limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Mais le camp présidentiel assure que son premier mandat (2005-2010), en tant que premier président post-transition élu par le Parlement et non au suffrage direct, tombe sous le coup d'une disposition particulière et n'entre pas en ligne de compte dans la limitation.
Depuis des mois, la communauté internationale met en garde contre une nouvelle candidature de Pierre Nkurunziza, de peur qu'elle ne débouche sur de nouvelles violences à grande échelle. Mardi, l'Union européenne (UE) a dénoncé "l'intimidation et la violence" dans le pays, demandant aux autorités de "garantir l'exercice pacifique des droits civils et politiques".
L'ONU a de son côté affirmé que plus de 5 000 Burundais, terrorisés par le climat à l'approche des élections, avaient fui au Rwanda en deux jours. Au total, quelque 21 000 Burundais ont fui dans ce pays voisin depuis début avril.
La présidence burundaise, quant à elle, accuse certains manifestants d'emprunter "une voie de la violence" qui rappelle "les années sombres" de l’histoire du pays. Une référence à la guerre civile de 1993-2006 dont le Burundi se remet à peine.
Avec AFP