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Daniel Cohn-Bendit attend ses papiers français

Né en France de parents allemands ayant fui le régime nazi, Daniel Cohn-Bendit a opté pour la nationalité allemande en 1959. À 70 ans, il fait une demande pour enfin devenir aussi français car il sent en lui cette double appartenance.

Pour ses 70 ans, Daniel Cohn-Bendit a fait un souhait : devenir enfin français. Quelques jours avant de souffler ses bougies, Dany le Rouge a déposé le 1er avril dernier un dossier au consulat français de Francfort pour obtenir la nationalité. Sa demande est actuellement en cours d'examen.

Comme il l’explique dans un entretien publié dans le dernier numéro du "Point", l’ancien député européen veut combler un manque. "En Allemagne, je suis le Français le plus allemand et en France l’Allemand le plus français !", a-t-il ainsi résumé. Pour lui, il ne s’agit pas seulement d’un bout de papier, mais d’un sentiment de double appartenance : "Aujourd’hui, on ne se définit plus par une seule identité. Nous avons tous des identités multiples, et c’est ça que je veux prouver. On est une addition d’identités."

"Juif et allemand"

Né en 1945 à Montauban de parents allemands ayant fui le nazisme, l’ancien député européen est resté pendant 14 ans apatride avant de finalement opter pour la nationalité allemande en 1959 pour éviter le service militaire. Un choix qui lui compliquera la vie lors des événements de 1968. Alors qu'il prend la tête de la révolte étudiante, ses détracteurs lui rappellent ses origines. Le journal d'extrême droite "Minute" n'hésite pas à écrire dans ses pages : "Ce Cohn-Bendit, parce qu’il est juif et allemand, se prend pour un nouveau Karl Marx." Les communistes, par la voix de Georges Marchais, critiquent également "ces groupuscules dirigés par l’anarchiste allemand Cohn-Bendit". Les étudiants prennent alors sa défense. Dans les cortèges, fleurissent les affiches : "Nous sommes tous des juifs allemands". Mais les autorités veulent aussi le faire tomber. En tant que ressortissant étranger, Daniel Cohn-Bendit est frappé le 21 mai par un arrêté d’expulsion du ministère de l’Intérieur pour trouble à l'ordre public.

Alors qu’il se trouve en Allemagne pour un meeting, il prend le risque de revenir malgré tout en France en se déguisant. Il finit toutefois par quitter le territoire quelques jours plus tard dans une décapotable en compagnie de l’une de ses amies, l’actrice Marie-France Pisier : "Marie-France m’a fait sortir grâce à de vieux réseaux de la guerre l’Algérie. Elle trouvait ça très drôle de me faire passer la frontière dans une MG. L’actrice sublime et le révolutionnaire."

"J’étais profondément triste"

Pendant 10 ans, Daniel Cohn-Bendit est alors indésirable dans l’hexagone. "J’étais profondément triste, tout s’est arrêté d’un coup. En même temps, le ministre de l’Intérieur m’a sauvé la vie, parce que j’étais loin de tous les tiraillements post-soixante-huitards", a-t-il raconté au "Point". Il lui faudra attendre jusqu’en décembre 1978 pour qu’un arrêté mette un terme à sa mesure d’expulsion. L’homme politique continuera toutefois sa carrière en Allemagne pendant de nombreuses années. Ce n’est qu’en 1999 qu’il se présentera pour la première fois en France lors des élections européennes avec les Verts. Après 20 ans de participation active, il a finalement quitté le Parlement européen en avril dernier.

Alors qu’il s’est éloigné de la vie politique, sa récente demande de nationalité suscite de nombreuses interrogations sur son futur. Devenu français, Daniel Cohn-Bendit pourrait enfin se présenter à l’élection présidentielle. Un scénario qu’il rejette cependant en bloc. "Il n’y a aucune raison que je change d’avis, affirme-t-il. Le problème des écologistes, c’est qu’ils recherchent désespérément quelqu’un qui puisse incarner les valeurs écolos. À un moment, ils ont cru que c’était Nicolas Hulot, mais cela n’a pas marché, puis il y a eu une erreur de casting avec Éva Joly. Cécile (Duflot, NDLR) danse sur tous les pieds en même temps et ça devient difficile."

Dany le Rouge l'assure, il ne s'agit pas d'un calcul politique mais d'un choix personnel. "Après ma mort, on pourra écrire : ‘ci-git le Franco-allemand’ !", insiste-t-il avec humour. Et il ajoute : Je veux être incinéré et qu'on jette mes cendres sur Paris, Francfort et sur mon village de l'Hérault (Lauret, NDLR). Les trois lieux où je me suis enraciné."