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Le droit au blasphème version Reporters sans frontières fait un flop

Au lancement de l’initiative "Proclamation pour la liberté", Reporters sans frontières comptait recueillir la signature de nombreux responsables religieux de France. Trois mois plus tard, l'objectif est encore loin d'être atteint.

Même en France, la liberté d’expression et le droit au blasphème qui y est associé ne sont pas une évidence pour les responsables religieux. C’est la conclusion qu'il faut sans doute tirer de l’échec apparent de la campagne lancée par Reporters sans frontières (RSF) au lendemain des attaques du mois de janvier en région parisienne.

Annoncée au soir de la marche républicaine du 11 janvier par le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, puis lancée début février avec le soutien du président de l'Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, la "Proclamation sur la liberté d’expression" avait pour but de recueillir un maximum de signatures de responsables religieux de France avant la date symbolique du 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse.

>> À lire sur France 24 : "RSF demande aux responsables religieux d'accepter le droit au blasphème"

Au total, RSF n’a pu recueillir que 30 signatures. Le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, le président de la Fédération protestante de France, François Clavairoly, et la présidente de l'Union bouddhiste de France, Marie-Stella Boussemart, ont soutenu, dès le départ, ce plaidoyer, à la différence du président de la conférence épiscopale, l’archevêque de Marseille, Mgr Georges Pontier.

Finalement, l'identité des signataires de la proclamation est à l'image des premiers soutiens. Les 27 autres signataires comprennent dix responsables religieux musulmans, huit protestants, six juifs, deux catholiques n'ayant pas respecté l'interdiction de leur hiérarchie et un aumônier des prisons et des hôpitaux.

Un maigre bilan si on s'en tient au chiffre avancé en février par Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, qui estime à 10 000  le nombre de responsables religieux en France. "C'est vrai que ça a été compliqué d'obtenir des signatures, reconnaît-il, plutôt gêné. Mais ça prouve aussi que c’est un vrai sujet. La distinction entre les atteintes aux personnes et les critiques des systèmes de pensée n'est visiblement pas claire pour tout le monde."

"La situation est restée relativement figée"

Le responsable de RSF considère toutefois que cette proclamation "peut être une référence claire sur ce qui est admissible en matière de liberté d'expression" et se réjouit d'avoir suscité des débats. "On a eu des signatures qui n'étaient pas évidentes au départ, il a fallu se battre pour les avoir, et il y a eu beaucoup de papiers, notamment dans 'La Croix', dit-il. C'est un outil dont on va continuer à se servir."

Malgré tout, le contraste entre l'optimisme affiché lors du lancement de la charte, début février, et le sentiment de résignation qui semble habiter Christophe Deloire à l'approche du 3 mai est saisissant. Aucune communication sur le sujet n’est d'ailleurs prévue dans les jours qui viennent. Et si RSF organise dimanche 3 mai "un concert pour la liberté", place de la République, à Paris, à l'occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, la communication sur l'événement ne fait aucune mention de la "Proclamation sur la liberté d'expression".

"On sent qu'au fond, il y a une grande inertie, finit par admettre Christophe Deloire. La situation est restée relativement figée depuis le mois de janvier. On s'est rendu compte qu'il y avait quand même un certain nombre de blocages qui nous semblent regrettables."

À commencer par le veto imposé aux responsables catholiques par Mgr Pontier. Ce dernier a ainsi envoyé une lettre, le 3 février, à tous les évêques de France, leur demandant de ne pas soutenir l'initiative de RSF. "Cette proclamation semble soupçonner les religions d'être sinon opposées à la liberté d'expression, du moins peu militantes de cette cause", se justifiait-il alors dans les colonnes du journal "La Croix".

"J'ai demandé à plusieurs reprises un rendez-vous avec le président de la conférence épiscopale, mais malgré son accord de principe, je ne l'ai jamais obtenu", regrette Christophe Deloire. "Il faut poursuivre le dialogue" assure ce dernier. "Une bonne partie des responsables religieux comprend qu’il n’y a pas de liberté de pensée sans liberté d'expression".