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Avec l’arrestation, dimanche, d’un homme soupçonné d’avoir préparé des attentats contre des églises, le champ des cibles potentielles d’attaques jihadistes a été multiplié par 14. Est-il possible de toutes les protéger ?

Protéger toutes les églises de France, quand bien même le gouvernement le souhaiterait, est mission impossible. Bruno Duvic, l'animateur de la matinale de France Inter, ne s'est pas privé de le dire au Premier ministre, jeudi 23 avril. "Manuel Valls, le langage de vérité, c’est de dire qu’on ne peut pas mettre une patrouille de police devant tous les bâtiments potentiellement visés. On ne peut pas mettre une patrouille de police à la fois devant toutes les synagogues de France, devant toutes les églises, les musées, les grands médias, ça n’est pas possible, surtout dans un contexte où les policiers de Vigipirate sont déjà à flux tendu voire davantage."

Le Premier ministre était venu faire la promotion du dispositif antiterroriste déjà renforcé en janvier. Face à lui, Bruno Duvic, n’en démord pas : le projet d’attentat déjoué dimanche 19 avril, qui devait initialement viser une église, complique singulièrement la tâche de protection des forces de l’ordre. On dénombre en effet près de 45 000 églises et cathédrales en France. Soit 13 fois plus que les 2 449 lieux de culte musulmans (selon le ministère de l’Intérieur en 2012), 300 synagogues et 717 écoles juives réunis, qui forment autant de lieux "sensibles" aujourd’hui protégés par les forces de l’ordre après les attaques, notamment, de Mohamed Merah, des frères Kouachi et d’Amédy Coulibaly.

"Pas plus d’hommes ?", assène Duvic à son invité. "Il y a déjà beaucoup d’hommes et de femmes mobilisés sur le terrain", répond prudemment le Premier ministre. Et d'ajouter : "Mais il faut aussi ne pas céder à la peur tout en maintenant de la vigilance." La marge de manœuvre de Manuel Valls est de toute façon limitée : s’il venait au gouvernement l’idée de protéger les églises et les mosquées comme il le fait avec les écoles juives, par exemple, aux abords desquelles le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avait annoncé le déploiement de 4 700 policiers et gendarmes le 12 janvier, cela nécessiterait près de 290 000 hommes.

Or, tous policiers nationaux (143 535 selon un rapport de la Cour des comptes publié en 2013), gendarmes (96 900 selon le même rapport) et policiers municipaux (près de 20 000 selon un décompte du ministère de l’Intérieur) confondus ne représentent que 260 000 agents. Mission impossible, donc, même s’ils se voyaient tous assigner cette mission.

Ne pas céder à la panique

Inquiet, le syndicat policier Alliance (droite) a d’ailleurs diffusé un communiqué pour avertir l'exécutif. Conscient de la "nécessité de renforcer le dispositif", son secrétaire national pour l’Île-de-France Fabien Van Hemelryck, contacté par France 24, souligne que "l’effectif policier n’est pas extensible à l’infini". Il demande "la fin des gardes statiques, à remplacer par des patrouilles dynamiques. Cela permettrait d’accroître notre zone de vigilance", explique-t-il. "Si on avait tous été postés devant des portes dimanche, on n’aurait pas arrêté le suspect", estime le syndicaliste.

L’Église catholique, de son côté, ne veut pas céder à la panique. "Nous ne souhaitons pas que la protection des lieux de culte catholiques soit renforcée", confie Vincent Neymon, directeur de la communication de la Conférence épiscopale. "Cet événement isolé n’est pas révélateur d’un complot généralisé dirigé contre l’Église catholique. En outre, 178 églises et cathédrales sont déjà protégées." Parmi les dizaines de lieux de culte catholiques concernés, la cathédrale Notre-Dame, le Sacré Cœur… Autant d’endroits très touristiques, très fréquentés, aussi importants pour leur valeur religieuse que patrimoniale. Pour Vincent Neymon, ce n’est pas tant l’Église qui est visée mais l’ "Occident", à travers elle. Raison de plus pour laisser "dégonfler le ballon d’angoisse qui s’est créé".