L'opposition guinéenne a appelé à manifester dans tout le pays jeudi contre le calendrier électoral, le président Alpha Condé ayant exclu toute possibilité de modification.
Le bras de fer se poursuit en Guinée autour de ce que l'oppostion désigne désormais comme le "calendrier électoral de la discorde". Alors que les rassemblements se concentraient dans la capitale Conakry, elle appelle à manifester jeudi 23 avril dans tout le pays.
Après une journée "ville morte" à Conakry au début du mois puis des manifestations non autorisées la semaine dernière et en début de semaine dans la capitale, qui ont fait plusieurs morts et au moins une vingtaine de blessés, l'opposition tente ainsi d'étendre sa contestation à l'ensemble du territoire.
"C'est un véritable test quant à la capacité de mobilisation de l'opposition, hors de la capitale", estime Sarah Sakho, correspondante de France 24 à Conakry.
De son côté, le président Alpha Condé a de nouveau exclu toute possibilité de modification. En visite à Paris, le chef de l'Etat, élu en 2010, a réaffirmé mercredi que la présidentielle se tiendrait en octobre, à l'échéance fixée par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), excluant implicitement l'organisation du scrutin local auparavant, comme le demande l'opposition.
"La Constitution guinéenne impose que les élections présidentielles aient lieu à une date précise, sinon il n'y a plus de pouvoir", a-t-il déclaré à l'issue d'un entretien avec François Hollande, réitérant des propos tenus la semaine dernière à Washington.
L'opposition, invoquant un accord de 2013 non reconnu par Alpha Condé, exige que la présidentielle ait lieu après les élections locales, de nouveau renvoyées par la Ceni à mars 2016.
Elle redoute que les exécutifs communaux provisoires désignés par le pouvoir, faute de scrutin à cet échelon depuis 2005, ne permettent à celui-ci d'influer, y compris par la fraude, sur le résultat de la présidentielle si ce calendrier est maintenu.
Pour l'oppostion, Alpha Condé craint une défaite
Selon le chef de file de l'opposition, l'ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, candidat malheureux au second tour en 2010 bien qu'il soit arrivé largement en tête au premier, Alpha Condé ne veut pas d'un scrutin local par crainte d'une défaite qui jetterait le doute sur sa réélection.
"Parce qu'il n'est pas facile de frauder dans les élections communales comme dans les élections nationales, il ne pourra pas justifier le hold-up électoral qu'il pourrait initier", a affirmé Cellou Dalein Diallo dans un entretien à l'AFP.
"On ne peut pas justifier une victoire à la présidentielle lorsqu'on a perdu toutes les communales", a-t-il souligné, estimant que "sur les 38 communes (dont les 5 de Conakry, NDLR), s'il en a 8, ce sera déjà un exploit".
Alpha Condé s'est engagé à "un maintien de l'ordre républicain" de ces manifestations non autorisées, notamment en raison des restrictions prises pour juguler l'épidémie d'Ebola, qui s'est déclarée en décembre 2013 dans le sud du pays avant de s'étendre au Liberia et à la Sierra Leone voisins.
Ce pays d'Afrique de l'Ouest, qui n'a connu jusqu'en 2010 que pouvoirs autoritaires, coups d'État et répressions sanglantes, n'est pas encore parvenu à capitaliser sur ses importantes ressources minières (bauxite, minerai de fer, or, diamant, pétrole). Alpha Condé, un ancien opposant emprisonné, est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française.
Plus de 50 % de la population y vit sous le seuil de pauvreté, avec moins d'un euro par jour, selon l'ONU, souvent sans accès à l'électricité, dont le manque se fait sentir même à Conakry, et à l'eau courante. L'épidémie d'Ebola, la pire depuis l'identification du virus en 1976, a également freiné les investissements et mis à nu les tensions entre pouvoir central et populations ainsi qu'entre communautés.
Avec AFP