Le trader britannique Navinder Singh Sarao, accusé d'être à l'origine du "flash crash" de 2010 à Wall Street, a été arrêté mardi. Cette panique boursière avait illustré, pour la première fois, les risques du trading automatisé à très grande vitesse.
Navinder Singh Sarao, un trader britannique de 36 ans, aurait à lui tout seul et depuis un pavillon en banlieue londonienne largement contribué à l’un des krachs boursiers américains les plus marquants de ces cinq dernières années. C’est ce que pensent les polices américaine et britannique qui l’ont arrêté, mardi 21 avril, à son domicile.
La justice américaine veut obtenir son extradition afin de pouvoir le juger pour son rôle présumé dans ce que les États-Unis appellent le "flash crash" du 6 mai 2010. Ce jour-là, les sociétés américaines cotées en bourse ont perdu des milliards de dollars en moins de six minutes, tandis que lui remplissait ses comptes off-shore. Leur valeur boursière est remontée très rapidement, mais ce moment de panique est resté dans les annales financières comme la première démonstration des risques de dérives du trading à haute fréquence (HFT), ou l’art de placer des ordres d’achats et ventes à très grande vitesse grâce à des algorithmes gérés par des ordinateurs.
Programme informatique de trading sur mesure
Les soupçons ont longtemps pesé sur des grands fonds de pension très actifs sur les marchés financiers ou des structures financières spécialisées dans le trading automatisé dopé aux algorithmes. Une enquête du FBI, dont les conclusions ont été rendues publiques dans l’acte d’accusation contre Navinder Singh Sarao, tend à prouver qu’il a suffi de la cupidité d’un homme qui avait bien compris tout l’avantage de pouvoir placer, grâce à un logiciel efficace, des ordres en quelques millisecondes.
Navinder Singh Sarao avait une combine. Il s’était fait faire, dès 2009, un programme informatique de trading sur mesure. Il lui permettait de placer un très grand nombre d’ordres pour certains produits financiers - à un prix légèrement inférieur à celui du marché - et de les annuler juste avant, à quelques millisecondes près, de devoir payer. Lorsqu’il plaçait ses ordres, les autres traders avaient l’impression que le marché allait évoluer à la baisse et se mettaient à suivre le mouvement. Navinder Singh donnait alors de nouveaux faux ordres en grande quantité, à un prix toujours plus bas, pour alimenter la tendance. En parallèle, il achetait réellement une petite quantité de ces valeurs dont le cours était artificiellement bas pour pouvoir les revendre une fois le marché revenu à la normale. Une pratique qui peut être assimilée à une manipulation illégale des cours.
Faux ordres et vrais gains en dollars
C’est ce qu’il a fait "dans des proportions énormes", le fameux 6 mai 2010, d’après les conclusions du FBI. Ce jour-là, il a modifié 19 000 fois ses faux ordres d’achat et de vente en une vingtaine de minutes. Navinder Singh Sarao a été responsable d’un tiers de toutes les opérations boursières sur l’un des produits financiers phares de la place financière américaine (des contrats futurs adossés sur la valeur de l’indice Standard & Poor’s 500). Cet activisme effréné a entraîné un mouvement de panique qui a fait perdre 600 points à l’indice Dow Jones en cinq minutes et a permis à ce trader de gagner 879 000 dollars.
Ce "flash crash" ne l’a en rien dissuadé de continuer à utiliser sa lucrative combine. Ce trader britannique faisait encore ses petites affaires boursières en mars 2014. "Entre 2010 et 2014, Navinder Singh Sarao s’est ainsi fait 40 millions de dollars de profits", a constaté le FBI. Les enquêteurs ont aussi retrouvé la trace de ses efforts pour dissimuler sa fortune dans divers paradis fiscaux.
Les enquêteurs américains ne sont pas tombés sur ce trader par hasard. Depuis ses débuts de trader accro aux algorithmes en 2010, il a été contacté à plusieurs reprises par les autorités boursières américaines. Pour se justifier, Navinder Singh Sarao assurait qu’il "montrait à un ami comment fonctionnait le trading à haute fréquence" ou, plus simplement, qu’il ne faisait pas pire que d’autres traders travaillant pour des grandes institutions financières.