Oskar Gröning, 93 ans, comparaît à partir de ce mardi en Allemagne pour "complicité de 300 000 meurtres aggravés". Ce procès d'un ancien comptable du camp d'Auschwitz pourrait être l'un des derniers impliquant d'anciens nazis.
Soixante-dix ans après la libération des camps de concentration, le procès d'Oskar Gröning, un ancien comptable d'Auschwitz aujourd'hui âgé de 93 ans, s'est ouvert mardi 21 avril à Lünebourg, dans le nord de l'Allemagne. L'ancien nazi comparaît pour "complicité de 300 000 meurtres aggravés".
À l'ouverture de l'audience, l’accusé a demandé "pardon" aux victimes du camp de concentration. "Pour moi, il ne fait aucun doute que je partage une culpabilité morale", a déclaré l'ancien SS. "Concernant la question de la responsabilité pénale, c'est à vous de décider", a-t-il dit aux juges.
Accusé d'avoir contribué à la mort dans les chambres à gaz de 300 000 Juifs hongrois déportés entre mai et juillet 1944 vers le camp d'Auschwitz, en Pologne occupée, Oskar Gröning encourt trois à quinze ans de prison. Certaines parties civiles ont cependant fait connaître leur préférence pour une peine plus adaptée à son âge, comme des "travaux d'intérêt général pour raconter son passé dans les écoles".
Devant l'affluence médiatique et le nombre de parties civiles - 67 rescapés et descendants de victimes défendus par 14 avocats -, l'audience se tient dans un bâtiment loué pour l'occasion. Ce procès, qui se poursuivra au moins jusqu'au 29 juillet, pourrait être le dernier d'un ancien nazi. En effet, une douzaine d'enquêtes préliminaires sont en cours en Allemagne, mais leurs chances d'aboutir sont compromises par l'âge des suspects.
Un "rouage" du système d'extermination
Engagé dans les Waffen SS en 1941, transféré dans l'administration d'Auschwitz en 1942 alors qu'il était âgé de 21 ans, Gröning jure n'avoir "jamais donné une gifle" à quiconque. L'accusation ne lui reproche d'ailleurs aucune violence directe, mais le dépeint en "rouage" du système d'extermination. On lui reproche d'avoir trié les devises des déportés pour les envoyer à Berlin et d'avoir assisté au moins une fois à la "sélection" séparant, à leur arrivée au camp, les déportés jugés aptes au travail de ceux qui étaient immédiatement tués.
En "gardant les bagages" du précédent convoi pour les soustraire aux yeux des nouveaux arrivants, le jeune sergent a évité un mouvement de panique et sciemment favorisé une mise à mort sans heurts, affirme le parquet.
Son procès illustre la sévérité accrue de la justice allemande à l'égard des anciens nazis, depuis la condamnation en 2011 à Munich de John Demjanjuk, ancien gardien de Sobibor, à cinq ans de prison. Une condamnation basée sur sa seule fonction au sein du camp, sans preuve d'actes criminels précis.
Ce verdict a relancé une cinquantaine de procédures contre des gardiens qui n'avaient jamais été inquiétés. Gröning, témoin dans trois procès, avait lui-même bénéficié d'un non-lieu en 1985.
Revenu vivre en Allemagne après la guerre, l'ancien comptable ne s'est jamais caché. Avant d'être rattrapé par la justice, il a même longuement raconté dans la presse et à la télévision son passé à Auschwitz, expliquant vouloir "combattre le négationnisme".
Quelque 1,1 million de personnes, dont environ un million de juifs d'Europe, ont péri entre 1940 et 1945 dans le camp d'Auschwitz-Birkenau. Le 27 janvier, les dirigeants du monde entier ont marqué avec quelque 300 derniers survivants le 70e anniversaire de sa libération par l'armée soviétique.
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Avec AFP