L’ex-bras droit de Saddam Hussein, Izzat el Douri, exécuteur des basses œuvres du régime baasiste, aurait été tué, vendredi 17 avril, dans une attaque chiite dans l’est de Tikrit. Portrait de ce "roi de trèfle", déjà plusieurs fois donné pour mort.
Il était surnommé "Izzat le Rouge" ou le "diable roux" : deux pseudonymes qui en disent long sur sa physionomie atypique et sur sa cruauté. Izzat el Douri, l’ancien bras droit de Saddam Hussein, baasiste de la première heure au teint pâle et à la barbe rousse, a souvent été donné pour mort. À tort, toujours.
Vendredi 17 avril, son décès a été une nouvelle fois annoncé par des combattants chiites, cette fois-ci. Ceux-ci ont prétendu avoir abattu l’ancien numéro deux du régime du parti Baas lors d’une opération menée dans les montagnes d’Hamrine, à l’est de Tikrit, et diffusé une photo censée lui ressembler. Le parti baas, de son côté, a démenti sa mort.
Key ISIS commander Izzat al-Douri killed http://t.co/r3zeKMwBra pic.twitter.com/9XhxHGbGNC
— M Fahim Abed (@fahimabed) 17 Avril 2015Izzat el Douri est le dernier plus haut responsable du régime baas encore en fuite. Ce qui explique sans doute que sa mort s’apparente à un trophée. Il faut dire que cet exécutant des basses œuvres de Saddam Hussein, dont il était l’un des plus fidèles lieutenants, a un CV entaché de sang. Parmi ses faits d'armes "notables", on compte sa participation dans le massacre de Kurdes à la fin des années 1980 au côté d’"Ali le chimique", et son rôle dans la répression sanglante des chiites dans le sud de l’Irak après la première Guerre du Golfe (1991). "Il était présent dans tout ce qu’il s’est passé d’horrible durant ce régime", explique Karim Pakzad, spécialiste de l’Irak à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
Washington, qui l’avait baptisé le "roi de trèfle" dans son jeu de cartes des hommes du régime à abattre, en 2003, avait réclamé sa tête pour 10 millions de dollars. Loin de se faire oublier en vieillissant, "Izzad le Rouge" se serait rapproché, ces dernières années, de l’organisation de l’État islamique (EI) – dont l’idéologie est pourtant aux antipodes de celle du parti Baas. Plus qu’un fait divers, sa mort serait un véritable symbole.
Dans l’ombre de Saddam
Né en 1942 dans le même fief que Saddam Hussein, à Dour, non loin de Tikrit, Izzat el Douri a suivi le raïs irakien une large partie de sa vie. Jugé "sans charisme", il restera dans l’ombre de son mentor, âgé de cinq ans de plus que lui. Son manque de carrure et son physique hors du commun ne l’empêcheront toutefois pas d’accéder aux plus hauts postes. Il est présent lors du coup d’État de 1968 qui porte le parti Baas au pouvoir. Il est encore présent quand Saddam Hussein renverse Ahmed Hassan al-Bakr en 1979. Malgré la paranoïa légendaire du dictateur irakien, Izzat se voit propulser à la tête des organes dirigeants du pays – et réussit l’exploit d’éviter toutes les purges du régime.
"Il était très important dans le dispositif du pouvoir. Saddam Hussein lui a confié le poste de vice-président de la République, celui de vice-président du puissant Conseil de commandement de la révolution, précise Karim Pakzad. Il avait vraiment du pouvoir, c’est pour cela que les Américains voulaient l’abattre." À la fin des années 1980, Izzat participe à l’organisation du gazage des Kurdes qui aboutira à la mort de 180 000 d’entre eux. Le mandat d’arrêt pour crime de guerre lancé contre lui en 1999 ne l’intimide pas. En 2003, au moment de l’invasion américaine, le "diable roux" est le numéro deux du pouvoir.
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Dès 2003, il est forcé de passer dans la clandestinité, mais il ne rend pas les armes. Malgré son âge, 64 ans, et un état de santé précaire - on le dit atteint d’un cancer -, il organise l’insurrection sunnite qui a culminé dans les années 2005-2007. C’est durant cette période qu’il a rassemblé des hommes sous son commandement, sorte "d’armée du Nakshabandi", référence à l’islam soufi, dont le clan familial el Douri est issu.
Douri et les jihadistes de l’EI
Clandestinité oblige, la suite de sa vie devient, de fait, plus obscure. Le "roi de trèfle" réapparaît en juillet 2014 dans un message audio où il appelle les Irakiens à rejoindre les rebelles ultra-radicaux de l’EI. Étrange, jugent certains spécialistes : les liens entre les ex-cadres du parti Baas et l’organisation de l’État islamique n'ont jamais été clairement établis, pas plus que leur pérennité.
Pour Karim Pakzad, pourtant, la connexion existe et elle ne fait aucun doute. "Dans les années 2000, beaucoup d’anciens cadres baasistes ont rejoint la branche irakienne d’Al-Qaïda [qui deviendra ensuite une des composantes de l’EI]", rappelle-t-il. "Tous avaient en commun leur anti-américanisme et leur anti-chiisme", ajoute l’expert.
Une vision que nuance Wassim Nasr, journaliste et spécialiste des mouvements jihadistes à France 24. "Une complicité entre Izzat el Douri et Al-Qaïda a peut-être vu le jour au milieu des années 2000 mais cette époque est révolue, explique-t-il. Ce sont les seconds couteaux du parti Baas qui ont rejoint l’EI. Ils se sont endoctrinés, ils se sont souvent radicalisés en prison. Mais el Douri est une figure de premier plan ! Il est improbable qu’il ait abandonné l’idéologie du Baas pour devenir jihadiste sous les ordres de l’État islamique."
Le cadavre qui serait celui d'Izzad el Nouri a été remis au gouvernement irakien lundi. Des tests ADN doivent être réalisés dans les jours à venir.