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Les banques italiennes ont reçu 100 fois trop de billets de 500 euros

Depuis 2010, les Italiens ont déposé huit fois plus de billets de 500 euros qu’il n'y en avait officiellement en circulation. Une "anomalie" qui rappelle le poids de l’économie souterraine et de l'évasion fiscale en Italie.

Les Italiens aiment les billets de 500 euros. À tel point que même le parquet de Rome a décidé de s’y intéresser de plus près, après les révélations faites par le journal "La Repubblica", vendredi 10 avril. En 2014, il y a eu 100 fois plus de billets de 500 euros déposés à la banque, en Italie, que de coupures de ce montant mises en circulation, d’après les données de la Banque centrale italienne, que le quotidien romain a pu consulter. La différence ne peut pas provenir uniquement de retraits effectués par des Italiens à l’étranger, juge la Banque d’Italie qui qualifie cette situation de gigantesque "anomalie".

Ce n’est, en outre, pas seulement un accident de parcours sur une année. Depuis 2010, 12 millions de billets de 500 euros ont été mis en circulation, mais les Italiens ont déposé huit fois plus de ces fameuses coupures sur leurs comptes en banque.

Mafieux et amateurs de fraude fiscale

Ils ont, en fait, commencé leur ruée vers les coffres bancaires à partir de 2012, a constaté la Banque d’Italie. Cette année-là, le gouvernement de Mario Monti avait fait voter une loi interdisant de payer en liquide des achats de plus de 1 000 euros. Les versements de billets de 500 euros sont, alors, passés de 4,2 milliards d’euros en 2011 à 10 milliards en 2012.

Cette mesure n’avait en effet pas seulement déplu aux magasins milanais ou romains de luxe, mais aussi à tous ceux qui ont de l’argent sale à blanchir ou des fonds à cacher au fisc. "Les plus grosses coupures restent la monnaie d’élection du recyclage d’argent sale et du paiement des pots-de-vin", explique ainsi à "La Repubblica" Nello Rossi, procureur adjoint de Rome.

Mafieux, corrupteurs, fraudeurs fiscaux sont donc les principaux suspects pour cette inflation de billets de 500 euros. Les données de 2014 ne sont en fait qu’une confirmation de ce que les banquiers centraux italiens soupçonnent depuis des années. En 2011, ils avaient officiellement plaidé, dans un rapport, pour l’abolition du billet de 500 euros car "il permet de transporter facilement des grandes quantités d’argent [sans se faire remarquer, NDLR] d’un pays à l’autre, comme, par exemple, de l’Italie à la Suisse".

300 milliards d’euros échappent au fisc italien

La frustration des autorités financières transalpines se comprend. Cette inflation de grosses coupures rappelle l’importance de l’économie souterraine en Italie et des milliards d’euros qui sont ainsi soustraits à toute taxation. En 2010, plus de 250 milliards d’euros échappaient à la vigilance du fisc, d’après les statistiques officielles. Des montants qui, en 2014, auraient atteint 300 milliards d’euros, d’après les travaux du spécialiste autrichien de l’économie souterraine Friedrich Schneider, cités par le quotidien allemand "Die Welt".

Les gouvernements successifs ont pourtant essayé de limiter la circulation de ces billets de 500 euros. Outre l’interdiction des paiements en liquide supérieurs à 1 000 euros, ils ont aussi imposé aux banques de déclarer tout versement supérieur à 15 000 euros. Mais la faiblesse de l'amende encourrue (40 000 euros maximum) en cas de manquement à cette obligation n’a pas poussé les banques à faire état de tous les dépôts suspects.

Si le blanchiment de l’argent du trafic de drogue par les mafias italiennes est souvent cité comme la principale manne de cette économie souterraine, le détail des données de la Banque d’Italie semblent indiquer un autre responsable. Les principales régions frappées par l’inflation des versements de gros billets sont celles, plus riches, du nord de l’Italie alors que la Sicile, la Calabre et la Campanie (où la Mafia, la 'Ndrangheta et la Camorra sont particulièrement actives) n’ont pas connu d’évolution similaire. Il se pourrait donc que cette "anomalie" économique vienne plutôt de l’envie des entreprises exportatrices de cacher une partie de leurs profits au fisc. Ou alors que les organisations criminelles du sud du pays préfèrent ne pas laver leur argent sale en famille dans leur région d’origine.