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Après une semaine de combats, une coalition de rebelles syriens conduite par le Front Al-Nosra, a repris dimanche la ville d’Idleb, capitale provinciale dans le nord-est de la Syrie. C'est un coup dur pour les troupes de Bachar al-Assad.

Appareil photo en bandoulière, l'activiste "reporter" indépendant Hadi al-Abdallah explique dans une vidéo comment une coalition de rebelles syriens islamistes a conquis Idleb, dimanche 29 mars. Sous ses pieds, un portrait déchiré de Bachar al-Assad qui essuie, avec cette défaite, un revers important. Idleb est la deuxième capitale provinciale à échapper au contrôle de Damas depuis le début du conflit syrien, il y a quatre ans. Une perte qui n'est pas sans rappeler celle de Raqqa, devenue depuis le printemps 2013 la "capitale" de l'État islamique en Syrie. 

"C’est une défaite symbolique pour Damas qui avait maintenu son autorité depuis 2011 sur cette capitale provinciale alors que toutes les régions autour ont été perdues au profit de groupes rebelles, islamistes ou pas", explique Wassim Nasr, journaliste à France 24, spécialiste des mouvements jihadistes. Dans cette province, le régime ne contrôle plus que les grandes villes de Jisr al-Choughour et Ariha, quelques petites localités, l'aéroport militaire d'Abou Douhour, ainsi que cinq bases militaires.

Une alliance pragmatique

Idleb est tombée aux mains de la rébellion islamiste en cinq jours. Derrière cette attaque-éclair : Jaich el-Fath, une coalition militaire de circonstance, dont la création a été annoncée le 24 mars par communiqué. Elle regroupe notamment le Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, et Ahrar al-Sham, un groupe armé salafiste.  "Le spectre des différentes factions va de groupes proches des Frères musulmans qui acceptent le processus démocratique, jusqu’à la branche syrienne d’Al-Qaïda. Ces factions ne sont pas d’accord sur le plan politique mais ont fait front commun pour la conquête d’Idleb", résume Wassim Nasr.

Cette alliance pragmatique a porté ses fruits. Armés de missiles anti-char Tow de l’armée américaine capturés par Al-Nosra aux rebelles modérés du groupe Hazm, les combattants de Jaich el-Fath ont progressé rapidement dans Idleb face aux troupes de Damas. Dans une stratégie de communication orchestrée par Al-Nosra, ils ont annoncé leurs prises au fur et à mesure sur les réseaux sociaux.

Le 27 mars, ils prennent le contrôle de la faculté de lettres, puis de la faculté d’agriculture. Le 28, les combattants postent des photos d’eux devant différents bâtiments administratifs de la ville, le siège de la police, la banque centrale ou devant différents lycées. Dans la nuit du 28 au 29, ils s’emparent enfin du "carré sécuritaire", où se trouvent notamment la prison centrale et le siège du gouvernorat.

Le 29 mars, le Front Al-Nosra annonce enfin sur son compte officiel Twitter, la "libération" d’Idleb. "La ville d'Idleb a été libérée et les moujahidines pourchassent les derniers chabbihas (hommes de main du régime, NDLR) qui tentent de s'enfuir", écrit le groupe. Quelques heures plus tôt, une source de sécurité syrienne a reconnu que des "groupes terroristes se sont infiltrés dans les périphéries" de la ville.

L’armée syrienne ne s’avoue pas vaincu

Face à l’avancée rapide des quelque 2 000 jihadistes, Damas a anticipé la défaite : "Cela faisait déjà quelques jours que Damas avait déménagé une partie de son administration à Jisr al-Choughour (une autre ville du gouvernorat)", explique Wassim Nasr. L’armée loyaliste ne s’avoue pas vaincue pour autant. Elle se serait repositionnée dimanche autour d’Idleb pour "faire face aux bataillons terroristes et être en meilleure position pour repousser leurs attaques", selon une source de sécurité syrienne citée par l’AFP.

"Est-ce que l’armée va pouvoir reprendre la ville très vite ? Je ne pense pas. Mais Idleb sera probablement bombardée à l’instar d’autres villes", estime Wassim Nasr. Jusqu'à dimanche, Idleb restait pourtant l’une des rares zones de la région épargnées par les raids aériens de l’armée syrienne qui cible les fiefs contrôlés par la rébellion.

La ville comptait moins de 200 000 habitants avant le début du conflit syrien, mais depuis, des milliers de déplacés par les combats étaient venus s’installer. Les services de l’État y étaient fonctionnels : les fonctionnaires y percevaient leur salaire et les étudiants y poursuivaient leurs études à l’université. Désormais, c’est le drapeau noir d’Al-Nosra, frappé de la profession de foi musulmane, qui flotte dans les couloirs de la faculté de lettres d’Idleb. Une carcasse vide criblée de balles où les combattants ont remplacés les étudiants.