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Face à l'installation du parti de Marine Le Pen dans la vie politique française, le PS et l'UMP ont désormais obligation de s'unir avec leurs alliés respectifs et doivent trouver la meilleure méthode pour récupérer les voix du FN.

Avec un Front national désormais implanté au niveau local, la vie politique française va devoir s'habituer à la tripolarisation. À commencer par le Parti socialiste et l'UMP qui ne peuvent plus se permettre de considérer qu'ils sont les deux seules forces majeures du pays.

Certes, lors du deuxième tour des élections départementales, le Front national n'a finalement pas réussi à remporter de département. La droite est le grand vainqueur du scrutin avec 66 départements, tandis que la gauche, avec 34 départements, en est la grande perdante.

Mais derrière ces chiffres qui semblent placer le FN loin derrière l'UMP et le PS, c’est bien un changement profond et amorcé depuis plusieurs années déjà que les élections départementales viennent de confirmer. Après ses résultats historiques lors des élections municipales et européennes de 2014, le parti de Marine Le Pen continue en effet de tisser sa toile en augmentant son nombre d'élus au niveau local, imposant, de fait, une tripolarisation de la vie politique.

"Les scores très élevés, beaucoup trop élevés, de l'extrême-droite restent plus que jamais un défi pour tous les républicains. Et c'est la marque d'un bouleversement durable de notre paysage politique dont chacun devra tirer les leçons", a ainsi déclaré Manuel Valls quelques minutes après l'annonce des résultats.

"Il y a aujourd'hui clairement trois pôles en France : un pôle de gauche progressiste avec une fracture ouverte sur son programme économique, un pôle de droite pro-mondialisation avec une tension sur les valeurs et les sujets de société, et un pôle FN assez homogène, protectionniste et réactionnaire", explique le politologue Thomas Guénolé, contacté par France 24.

Union obligatoire pour les partis de gauche comme de droite

Cette nouvelle donne politique n’est pas sans conséquence. Les résultats des élections départementales montrent bien que, plus que jamais, l'UMP et le PS ont obligation de s'unir avec leurs alliés s'ils veulent être en mesure de l'emporter. Nicolas Sarkozy s'est d'ailleurs réjoui de sa stratégie d'union avec l'UDI, affirmant que "sans unité, rien ne sera possible pour l’avenir" et que "la victoire de ce soir revient à tous ceux qui ont fait le choix du collectif".

"Le bloc droite-centre serait arrivé en tête des européennes l'an passé s'il s'était uni comme il l'a fait cette fois-ci pour les départementales", note Thomas Guénolé. "Là, ils ont fait cet effort de réunification, ce qui n’est pas le cas du bloc de gauche. Or pour gagner, ce bloc a besoin de l'union de toutes ses forces en allant de Jean-Luc Mélenchon à Manuel Valls."

Alors que François Hollande et Manuel Valls ont déjà annoncé que le gouvernement allait poursuivre sa politique économique, le PS se trouve donc, une fois encore, face au même problème qui le mine depuis l'arrivée du président socialiste à l'Élysée : comment établir un programme commun avec son aile gauche alors que celle-ci ne cesse de critiquer l'action gouvernementale ? Trouver une réponse d'ici décembre à cette épineuse question paraît indispensable si la gauche ne veut pas connaître la même mésaventure lors des élections régionales.

À plus long terme, la tripolarisation de la vie politique française, si elle perdure, pose aussi la question du discours tenu par le PS et l'UMP vis-à-vis des électeurs du Front national. L'appel au "front républicain", notamment, prôné par le Parti socialiste durant l'entre-deux-tours, a le défaut de renforcer le discours antisystème de Marine Le Pen qui use à l'envi de la formule "UMPS".

"Le Front national s'oppose à l'UMPS dont chacun a pu voir avec ces élections qu'elle est une réalité indiscutable. Enfermés dans leur logique politicienne, dans leur cuisine électorale incessante, les dirigeants nationaux et locaux de l'UMPS avaient un objectif commun et unique : battre le Front national, quitte entre les deux tours à se soutenir l'un l'autre, quitte pour l'UMP à faire voter PS et donc à soutenir François Hollande dans de nombreux départements", a ainsi lancé la présidente du FN, dimanche soir, vers 20 h 30.

"La pétition de principe anti-FN n'est plus opérante du tout"

"Le problème, c'est que cet appel au front républicain ne fonctionne plus, la pétition de principe anti-FN n'est plus opérante du tout", analyse Thomas Guénolé. "Si on s'en tient juste à cet anathème, c'est même contre-productif, car le PS n'explique pas aux électeurs tentés par le FN pourquoi le Front national n'est pas un parti républicain."

"De toute façon, les électeurs ne suivent plus les consignes de vote", ajoute Pascal Perrineau. "Dans les années 1950 ou 1960, ça marchait, mais plus du tout aujourd'hui. Le problème de fond, c'est de déminer les ressorts qui nourrissent le vote FN. Pour s'attaquer au FN, il faut s'attaquer aux problèmes économiques, culturels, sociétaux qui concernent son électorat. Quand les électeurs d'un parti représentent un Français sur quatre, ça devient difficile de ne plus les écouter."

Sur ce point précis, Nicolas Sarkozy estime depuis longtemps qu'il faut récupérer le vote FN, et l'a fait en s'alignant sur les positions très droitières du parti de Marine Le Pen concernant les valeurs et l'identité nationales. "Cela a fonctionné lors des premier et deuxième tours de l'élection présidentielle en 2007, mais seulement au deuxième tour en 2012", affirme Thomas Guénolé, qui affirme que cette stratégie, toujours employée par l'ancien président de la République lors de la campagne des départementales, a aujourd’hui vécu. "Reste l'approche d’Alain Juppé qui consiste à attaquer le FN sur son programme économique étatiste. Cette solution devrait être plus efficace car elle est relativement nouvelle", ajoute le politologue.

La question posée à la gauche est différente. Il s'agit désormais pour elle de réhabiliter et de renforcer son discours social pour parvenir à séduire de nouveau l'électorat populaire qui se tourne depuis plusieurs années de plus en plus significativement vers le FN. "Les Français, par leur vote, et même leur abstention, ont dit à nouveau leurs attentes, leurs exigences, leur colère, leur fatigue face à une vie quotidienne trop difficile. Le chômage, les impôts, la vie trop chère : j'ai entendu ce message", a fini par plaider Manuel Valls.