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Crash de l'A320 : l’Europe tentée de ne plus laisser un pilote seul dans le cockpit

Plusieurs compagnies européennes ont annoncé qu’elles allaient dorénavant exiger qu’il y ait toujours deux personnes dans le cockpit. Cette réponse au crash du vol de Germanwings ne fait pas l’unanimité parmi les pilotes.

La présence d’un autre membre de l’équipage dans le cockpit au moment où le copilote a, apparemment, décidé de faire chuter l’Airbus A320 de Germanwings aurait-elle permis d’éviter la catastrophe de mardi 24 mars ? C’est la question que tout le monde se pose au lendemain des révélations sur les circonstances de l’accident qui a coûté la vie à 150 personnes. Le copilote avait, en effet, bloqué l'accès du cockpit à son collègue qui était allé aux toilettes.

En réponse, les compagnies aériennes allemandes ont adopté, vendredi 27 mars, la règle de deux personnes en permanence dans le cockpit. Le même jour, l'Agence européenne de la sécurité aérienne a recommmandé la même mesure au niveau européen.

EasyJet, sa concurrente norvégienne Norwegian Air Shuttle et la compagnie islandaise Icelandair avaient déjà décidé de l’imposer à leur personnel la veille. Même le secrétaire d'État français aux Transports Alain Vidalies a estimé, sur RTL, que c'était une solution "possible".

"Rassurer les passagers"

Il y a donc un mouvement vers une "américanisation" de l’espace aérien européen. La réglementation des États-Unis impose en effet la présence d’une hôtesse ou d’un steward dans le cockpit lorsque le pilote ou le copilote quitte son poste, notamment, pour aller aux toilettes.

Pour autant, cette mesure à la popularité soudaine ne fait pas, non plus, l’unanimité. "Il faut attendre les résultats définitifs de l’enquête, et nous restons circonspects à l’égard des mesures proposées à chaud", affirme à France 24 Guillaume Schmid, représentant du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). La conversion de certaines compagnies à cette règle "est surtout une manière d’essayer de rassurer les passagers", estime-t-il.

Mais cela ne va pas forcément améliorer la sécurité à bord. "La présence d’une hôtesse ou d’un steward dans le cockpit peut peut-être prévenir quelques cas, mais elle n’est sûrement pas une solution définitive satisfaisante", prévient Thierry Le Bailly, un pilote de ligne sur Airbus 320.

La "menace interne" ne vient pas que des pilotes

Les deux professionnels interrogés rappellent que les hôtesses et stewards n’ont pas de formation de pilotage. Rien ne garantit qu’ils soient capables de déceler, avant qu’il ne soit trop tard, que le pilote resté dans le cockpit a enclenché une manœuvre fatale. Surtout, "ils n’ont pas les compétences pour redresser un avion qui serait sur le point de s’écraser", notent les deux spécialistes.

Permettre à une autre personne de rentrer dans le cockpit n’est, en outre, pas sans danger. Guillaume Schmid souligne que la "menace interne" peut provenir d’autres membres de l’équipage qui ne sont pas soumis aux tests poussés imposés aux pilotes. Lors de leur recrutement, ils doivent passer une batterie d'entretiens avec des psychologues qui évaluent leurs compétences psychologiques et psychomotrices. La décision d’installer, après les attentats du 11 septembre 2001, une porte blindée à l’entrée du cockpit est justement censée limiter au maximum l’accès au centre de contrôle de l’avion, en partant du principe que les pilotes sont les plus dignes de confiance.

L’obligation d’être toujours à deux dans le cockpit ne permettra pas, d’après ces professionnels du secteur, d’empêcher un pilote déterminé de passer à l’acte. "Il trouvera toujours un moyen de s’adapter aux règles et de trouver une faille", pense Guillaume Schmid. "J’imagine mal un jeune membre d’équipage réussir à empêcher un pilote déterminé de faire s’écraser l’avion", ajoute-t-il.

C’est en amont, d’après lui, qu’il faut pouvoir agir pour prévenir de telles catastrophes. C’est pour ça qu’il serait pertinent d’attendre la fin de l’enquête, martèle ce représentant du SNPL. En identifiant les causes exactes qui ont provoqué le geste fatal du copilote, il pourrait être possible de mieux cerner les profils psychologiques à risques.