
L’EI a revendiqué l’attaque contre le musée du Bardo à Tunis, annonçant de cette façon sa présence dans le pays. Un changement dans le mode opératoire de l’organisation, qui compte des milliers de Tunisiens dans ces rangs. Décryptage.
Son nom était sur toutes les lèvres après l’attentat du musée du Bardo à Tunis, mercredi 18 mars, qui a coûté la vie à 21 personnes dont trois français. Dans un message audio diffusé sur Internet, l’organisation de l’État islamique (EI) a affirmé qu’elle en était bien l’auteur. Et pour diffuser sa revendication, l’EI a choisi un moment précis : le lendemain de l'attentat, à l’instant même où les Tunisiens étaient rassemblés pour rendre hommage aux victimes de la tuerie.
Il s’agit donc de la première attaque de l’EI en Tunisie. Pour Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes, il y a quelque chose de "surprenant" dans cette revendication. "Depuis le début, certaines indications pointaient vers la Phalange Okba Ibn Nafaâ qui fait partie d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), notamment parce que c'était le seul groupe jihadiste actif en Tunisie. Et ce contre tous les gouvernements, y compris celui d’Ennahda", explique-t-il. Cette faction a notamment tué des dizaines de policiers et soldats à la frontière algérienne.
"Or, c’est l’EI qui a revendiqué (l'attentat). Ce qui est étonnant, c’est que l’EI n’avait pas annoncé sa présence en Tunisie avant l’attaque. Là, l'organisation attaque et annonce du même coup sa présence dans le pays : c’est une première", poursuit-il.
Environ 3000 Tunisiens dans les rangs de l’EI
L’EI a présenté cette attaque, la plus meurtrière du groupe contre des Occidentaux, comme menée par "deux chevaliers du califat, Abou Zakaria al-Tounsi et Abou Anas al-Tounsi", "munis d'armes automatiques et de grenades" [il s’agit de leurs noms de jihadistes, NDLR], qui sont "parvenus à assiéger un groupe de ressortissants des pays croisés".
De leur côté, les autorités ont annoncé avoir identifié les deux assaillants, des Tunisiens : Yassine Labidi et Hatem Khachnaoui, dont le premier était connu des services de sécurité. Au moins 500 Tunisiens ayant combattu en Irak, en Syrie ou en Libye dans les rangs d'organisations jihadistes comme l'EI, sont rentrés dans leur pays et la police les considère comme l'une des principales menaces à la sécurité.
"Les Tunisiens constituent le plus grand contingent de jihadistes de l’EI, avec environ 3 000 combattants", rappelle à ce sujet Wassim Nasr, qui n’est pas surpris de la nationalité des assaillants. "On sait que certains jihadistes tunisiens occupent des postes important, à la fois dans Aqmi et dans l’EI, et qu’ils sont très présents en Libye voisine", poursuit-il.
La démocratie tunisienne visée
La menace planait depuis plusieurs mois déjà : l’EI appelait avec forces vidéo à mener le Jihad en Tunisie, rappelle l’expert. L’organisation opère ainsi un tournant : la Tunisie qui était une "terre de soutien", est désormais considérée comme "terre de jihad".
Une distinction de taille. La raison de ce revirement : "L’EI est contre la démocratie de manière générale. Mais, de leur point de vue, ils estiment aussi que la révolution n’a pas abouti en Tunisie, puisqu'eux souhaitaient voir instaurer la charia", explique Wassim Nasr. Par conséquent, ils se retournent contre tous ceux qui ne servent pas leur dessein.
Dans son message, l’organisation extrémiste a menacé la Tunisie d’autres attaques à venir. "Elles viendront probablement également de l’intérieur", observe l’expert. "Si 3 000 Tunisiens sont partis rejoindre l’EI, il y en a certainement d’autres encore dans le pays qui n’hésiteront pas à mener des opérations".