Les partis arabes israéliens ont obtenu, lors des élections législatives mardi soir, le plus grand nombre de sièges à la Knesset de leur histoire, selon les résultats préliminaires. Il leur faut maintenant décider que faire de ce capital.
Selon les résultats préliminaires cités par "Haaretz", mercredi 18 mars, les représentants des descendants des Palestiniens restés sur leurs terres à la création d'Israël en 1948 - un Israélien sur cinq - sont désormais une force avec laquelle il faut compter.
Bien qu'ils aient obtenu 14 sièges, les partisans réunis à Nazareth ont affiché leur "déception quand [ils] ont découvert le score de l’actuel Premier ministre", rapporte le journaliste de France 24 Nicolas Ropert. La droite, menée par Benjamin Netanyahou contre qui les Arabes israéliens ont appelé à faire barrage, paraît en meilleure position pour former le futur cabinet et ne devrait pas faire appel à eux pour cela. Reste à savoir si la liste du travailliste Isaac Herzog cherchera leur appui pour rassembler une majorité parlementaire.
Car ils sont désormais fréquentables : leur numéro un, Ayman Odeh, avocat de 40 ans, a réussi un triple tour de force. Il a uni sur une même liste juifs et Arabes, communistes, islamistes et nationalistes arabes. Il est même parvenu à mobiliser les Arabes israéliens, grands abstentionnistes. Et surtout, il a permis à sa liste d'exister dans la campagne.
Égalité et justice sociale
Refusant le repli communautaire, Ayman Odeh, enfant de Haïfa, la grande ville mixte d'Israël, a porté son discours auprès du public arabe et de ses concitoyens juifs. Celui auquel partisans et détracteurs reconnaissent une opiniâtreté impressionnante a milité durant toute la campagne pour tisser des liens avec tous ceux en Israël qui réclament "l'égalité et la justice sociale".
Le président israélien Reuven Rivlin rencontrera prochainement les représentants des partis siégeant au Parlement afin de savoir qui ils soutiennent pour le poste de Premier ministre. La liste arabe pourrait proposer Isaac Herzog et s'abstenir de bloquer son investiture, sans lui fournir de ministres. C'est le "soutien extérieur" que les députés arabes avaient déjà offert au travailliste Yitzhak Rabin au début des années 1990. Pour le moment, Ayman Odeh laisse planer le doute. "On écoutera d'abord ce qu'il a à nous proposer", a-t-il déclaré à l'AFP.
La ligne rouge de la liste arabe
"Nous, on est prêt, mais je doute qu'Herzog soit aussi courageux que Rabin", a-t-il dit à ses partisans après les premiers résultats. Car cet appui est à double tranchant pour Isaac Herzog, que la droite accuse déjà de "dépendre des Arabes".
Un soutien à Herzog ne fait pas l'unanimité auprès des dirigeants de la liste arabe. Ils se souviennent de l'épisode du dernier Premier ministre travailliste, Ehoud Barak, que leurs électeurs avaient massivement soutenu en 1999, ce qui n'avait pas empêché la répression sanglante de la deuxième Intifada et la mort de 13 Arabes israéliens tués par la police en 2001.
Si la "soi-disant gauche" arrivait au pouvoir, a prévenu Ayman Odeh mardi soir, "elle permettrait à Israël de se racheter une virginité aux yeux du monde". Mais la liste arabe ne s'alliera pas à n'importe quel prix : la ligne rouge de la liste arabe n'a pas bougé. Pas d'alliance avec ceux qui voudraient une guerre contre les Palestiniens ou soutenir l'occupation.
Accéder à la présidence de commissions parlementaires
En se cantonnant dans l'opposition, les Arabes israéliens veulent accéder à la présidence de commissions parlementaires. "Nous ne pouvons pas avoir les commissions de la Défense et des Affaires étrangères, mais nous voulons les Finances ou les Affaires sociales", a expliqué Ayman Odeh à la radio publique. Plus d'un Arabe israélien sur deux vit sous le seuil de pauvreté.
Si Herzog et Netanyahou formaient un gouvernement d'union nationale, Ayman Odeh serait, précédent historique, propulsé chef de l'opposition, prédit le leader des Arabes israéliens. Et le Premier ministre serait alors tenu de le consulter pour les décisions majeures. Ayman Odeh aurait aussi le droit de prendre la parole à la suite du Premier ministre quand celui-ci s'adressera à la Knesset ou lors de cérémonies officielles.
Avec AFP