
Un projet de loi visant à relancer la natalité en Iran menace de réduire davantage les droits des femmes. Dans un rapport publié mercredi, Amnesty international dénonce une politique nataliste qui bafoue les droits fondamentaux des femmes.
"Il n’y a pas de différences entre les hommes et les femmes." C’est ainsi que le 8 mars dernier, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei a présenté sa conception du sexe dit "faible" dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Des paroles qui semblent bien loin des actes des dirigeants iraniens. En effet, le projet de loi "sur la population et l'exaltation de la famille", qui sera débattu en avril au Parlement, risque de priver les Iraniennes de droits fondamentaux comme celui de disposer de leur corps ou d’obtenir un emploi quel que soit leur état civil. L’objectif des autorités : augmenter le nombre de naissances (lien en anglais) et faire passer la population de 77 millions en 2015 à 150 millions d'ici 50 ans
À l'interdiction déjà établie de l’avortement, sauf pour des cas particuliers, s’ajouterait ainsi dans la loi 446 l’interdiction de la stérilisation "pour empêcher le déclin de la population" mais aussi le blocage de l'information et de l'accès à la contraception. Le projet de loi prévoit également que soit interdite "toute procédure chirurgicale réalisée en vue d’une contraception permanente, excepté en cas de risque mortel".
Pour Fariba Adelkhah, anthropologue spécialiste de l’Iran et directrice de recherche au Sciences-Po/Ceri, ces mesures accroîtront l’inégalité d’accès aux soins des femmes. "Un médecin ne refuserait pas de fournir une contraception à une femme si c’est pour sa santé mais une partie de la population se trouvera exclue de cette pratique faute de moyens". Cependant, pour la chercheuse, "la société iranienne est une société informelle où rien ne se fait en fonction de ce que dit la loi. Dans la pratique la société a toujours contourné les interdits".
Réguler l’espace familial qui échappe au gouvernement
Un volet de la loi 315 porte également sur le divorce dont l’accès est déjà bien plus compliqué pour les femmes que pour les hommes. Ces-derniers peuvent le demander sans justification, tandis que les femmes doivent prouver que leur vie conjugale est devenue insupportable. La famille, le mariage et donc le divorce sont devenus des sujets politiques. Voyant qu’elle lui échappait, le gouvernement a fait en sorte que "la famille devienne un lieu d’exercice de la politique du gouvernement. [...] Il prend aujourd’hui des mesures pour réguler cet espace, alors qu’il s’agit de celui qui lui échappe le plus", explique Fariba Adelkhah.
Le projet de loi ne vise pas seulement la sphère privée mais aussi la vie professionnelle des Iraniennes. L’article 9 de la loi 315 "sur la population et l'exaltation de la famille" prévoit que toutes les entreprises, publiques ou privées, engagent "en priorité, des hommes avec enfants, des hommes mariés sans enfant et des femmes avec enfant". Les étudiantes, majoritaires dans les universités iraniennes mais qui ne représentent que 10 % de la population active, pourraient donc voir leur possibilité d’accéder au marché du travail se réduire comme peau de chagrin.
"La crainte est toujours que le modèle de la famille soit remis en question si les femmes travaillent. Un modèle qui existe plutôt à Téhéran avec l'enfant unique. Déjà sous Ahmadinejad, le gouvernement s’inquiétait de voir autant de jeunes femmes dans les universités", analyse la spécialiste.
Amnesty international condamne des lois qui "piétinent les droits des femmes"
Dans un rapport intitulé "Tu procréeras : attaques sur les droits à la liberté sexuelle et de contraception des femmes en Iran" ("You Shall Procreate: Attacks on women’s sexual and reproductive rights in Iran"), publié mercredi 11 mars, Amnesty international dénonce ces mesures qui vont à l’encontre des droits fondamentaux des Iraniennes et constituent un recul de leur liberté à procréer ou non.
"Les autorités cherchent déjà à contrôler ce que portent les Iraniennes, où elles travaillent et ce qu'elles étudient. Maintenant, elles s'ingèrent dans leur vie privée en tentant de contrôler leur corps et de leur dire combien d'enfants elles doivent avoir", a dénoncé Hassiba Hadj Sahraoui, directrice-adjointe d'Amnesty pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
L’ONG souligne que limiter l’accès à la contraception aura inévitablement des effets sur la liberté des femmes ainsi que sur leur santé : “Les femmes n’auront d’autre choix que de subir des avortements clandestins risqués pour mettre fin à des grossesses non désirées".