
Tidjane Thiam a été nommé, mardi, directeur général de Credit Suisse. Une consécration pour ce Franco-Ivoirien qui se plaignait, en 2009, d’un “plafond de verre” fait de non-dits racistes dans le milieu français de la banque.
Le géant suisse bancaire Credit Suisse s’est choisi, mardi 10 mars, un nouveau dirigeant : le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam. À 52 ans, il remplace l’Américain Brady Dougan, qui dirigeait l’établissement zurichois depuis 2007.
Tidjane Thiam prendra officiellement ses fonctions de directeur général début juillet. Il deviendra alors l’unique dirigeant noir à la tête d’une des cinquante plus grandes banques au monde. Le seul précédent dans ce petit univers très masculin et très blanc avait été l’Américain Stanley O’Neal, PDG de la banque américaine Merril Lynch jusqu’en 2007.
Brillantes études
C’est une belle revanche pour Tidjane Thiam qui s’était plaint, en 2009, du "plafond de verre" fait de non-dits racistes qui lui auraient barré l’accès aux plus hautes marches des entreprises françaises. Et ce, malgré un cursus universitaire à faire pâlir d’envie n’importe quel dirigeant du CAC 40.
Ce fils de diplomate ivoirien et de la nièce du premier président de la Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny a, en effet, effectué des brillantes études en France. Il est le premier Ivoirien à être passé par l’École Polytechnique et sort major de sa promotion à l’École des Mines. Il obtient, pour couronner le tout, un diplôme de management de l’Insead (Institut européen d’administration des affaires). Pourtant, à l’issue de son cursus universitaire, "aucune entreprise française ne le rappelle. Ses amis chasseurs de tête le rayent de leur liste", raconte "Le Monde".
Tidjane Thiam se tourne alors vers les pays anglo-saxons et le cabinet américain de consultants McKinsey, qui le recrute à la fin des années 1980. Mais en 1994, le président ivoirien Henri Konan Bédié lui demande de revenir dans son pays natal. Il y devient d’abord responsable du Bureau national d’études techniques et de développement, puis ministre du Plan. Mais après le coup d’État de 1999, Tidjane Thiam préfère retourner en Europe.
"Être français est plus handicapant qu’être noir"
Il retrouve alors du travail à McKinsey, mais sa carrière de financier ne prend réellement son envol qu’à partir de 2002 lorsqu’il rejoint le géant britannique de l’assurance Aviva. À la City de Londres, un ami le rassure alors sur l’éventuel impact de sa couleur de peau en lui expliquant que c’est plutôt sa nationalité qui pourrait poser problème : "Ne t’inquiète pas, tu es français, c’est bien plus handicapant ici", rapporte-t-il au quotidien suisse "Le Temps".
Sept ans plus tard, ce père de deux enfants connaît une première consécration en devenant le PDG de Prudential, un autre géant de l’assurance. À cette occasion, il entre également dans l’histoire économique britannique en tant que premier dirigeant noir d’une entreprise du Footsie, l’indice des 100 sociétés les plus importantes de la bourse de Londres.
Le Credit Suisse s’offre donc un dirigeant bardé de diplômes ayant participé au redressement de son pays natal et qui a permis à Prudential de connaître une forte croissance. "Avec Tidjane Thiam, c’est un leader remarquable et respecté, au bénéfice d’une réussite impressionnante dans l’industrie globale des services financiers qui reprendra la tête de notre banque", s’est réjoui Urs Rohner, le président du conseil d’administration de la banque suisse.
Son seul problème : il n’a aucune expérience de banquier. Mais l’établissement financier, dont la réputation a été ternie l’an passé après un accord à plus de 2,5 milliards de dollars avec les autorités américaines dans une affaire de complicité de fraude fiscale, a besoin d’un changement d’image. Le groupe mise donc sur Tidjane Thiam pour incarner ce renouveau.