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En Grèce, sur les traces des poilus d’Orient

Envoyée spéciale à Thessalonique – À l'occasion du déplacement du ministre des Anciens combattants sur le front d'Orient, France 24 vous fait vivre au jour le jour ce voyage mémoriel et commémoratif sur les traces de ces poilus oubliés. Le premier jour nous emmène en Grèce.

6 h : départ de Paris

Le secrétaire d'État chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, Jean-Marc Todeschini, a débuté, lundi 9 mars, un déplacement de quatre jours dans quatre pays (Grèce, Macédoine, Serbie et Roumanie) pour commémorer les 100 ans du début du front d'Orient durant la Première Guerre mondiale. C'est dans cette région de l'est de l'Europe que les soldats français et britanniques ont débarqué à l'automne 1915, après l'échec des Dardanelles pour délester le front occidental, porter secours à l'armée serbe et tenter d'affaiblir les forces de la triple Alliance. Alors que dans les livres d'histoire, les pages sont nombreuses sur les batailles de Verdun ou du Pas-de-Calais, les affrontements qui ont eu lieu en Orient ont été effacés dans la mémoire des Français. Près de 350 000 poilus y ont pourtant combattu à des milliers de kilomètres de chez eux et 70 000 n'en sont jamais revenus, dont mon arrière-grand-oncle, Joseph Gondet, jeune zouave breton de 22 ans, tué en 1916.

10 h : arrivée à Thessalonique

Thessalonique, la deuxième ville de Grèce, est le lieu emblématique de la présence française en Orient durant la Première Guerre mondiale. C'est dans ce port, appelé à l'époque Salonique, que les troupes ont posé le pied après plusieurs jours en mer.

Alors que le secrétaire d'État s'entretient avec ses homologues de la région de Macédoine centrale, les journalistes sont conviés à une visite de la cité. Le bord de mer n'a aujourd'hui plus grand-chose à voir avec ce qu'ont découvert les soldats à leur descente de bateau. La cité historique a été ravagée en 1917 par un grave incendie. Il ne reste que de rares bâtiments d'époque et des murailles byzantines. "C'est bien dommage", regrette Marianthie Paschou, responsable de l'Institut français local. "Les immeubles néo-classiques ont quasiment tous disparu. Il y a différents styles modernes maintenant".

En regardant le port au loin, je ne peux m'empêcher de penser à ce qu'à dû ressentir mon aïeul en débarquant en novembre 1915 avec le 2e régiment bis de Zouaves dans cette région si lointaine, tellement différente de sa Bretagne natale. À l'époque, Salonique était surnommée "la Jérusalem des Balkans". Elle comptait 120 000 habitants, dont 80 000 juifs, qui vivaient aux côtés de Turcs et de Grecs. Dans les rues bigarrées, c'est un mélange de synagogues, d'églises et de mosquées qu'il a dû observer avec curiosité.


16 h : visite de la nécropole de Zeïtenlick

Lors de leur arrivée, les soldats étaient cantonnés au camp de Zeïtenlick. Ce lieu est désormais une nécropole militaire. Le cimetière, créé en 1916, est une vaste étendue de tombes alignées impeccablement. Plus de 8 000 poilus d'Orient reposent dans ces lieux étendus sur 35 hectares, dont 6 347 métropolitains, 1 222 tirailleurs sénégalais, 398 Malgaches et Indochinois et 342 Nord-Africains. Tous sont enterrés sous des croix, mais quelques signes religieux permettent de les distinguer : des croissants de lune pour les musulmans, un "S" pour les tirailleurs sénégalais ou encore une étoile de David pour les israélites. Accompagné par Maria Kollia-Tsaroucha, secrétaire d'État de Macédoine et de Thrace, le ministre français est venu déposer une gerbe en mémoire de ces soldats tombés durant la Grande Guerre et inaugurer un espace mémoriel. Même s'il regrette que ces poilus soient longtemps restés des oubliés de l'Histoire, pour lui, il "ne s'agit pas de réparer mais de commémorer toutes les mémoires à l'occasion du centenaire de cette Grande Guerre". "Ce n'est pas un honneur pour moi de le faire, mais un devoir " explique-t-il à France 24.

Dans un coin du cimetière, le secrétaire d'État s'attarde également près de quelques tombes alignées plus discrètement. Il s'agit du carré réservé aux Malgré-Nous, ces soldats lorrains et mosellans incorporés de force dans l'armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Originaire de Moselle, Jean-Marc Todeschini a également voulu leur rendre hommage. "Je ne pouvais pas passer dans ce cimetière sans aller m'incliner devant les douze Malgré-Nous. C'est une histoire qui a été difficile dans l'est de la France", confie le ministre avec émotion. "Ces hommes n'évoquaient pas cette mémoire. Ils avaient porté un uniforme qui n'était pas le leur. Ils avaient été obligés de le faire. Ils n'ont pas tout de suite parlé de ce qu'ils avaient vécu. […] En tous cas, ces Malgré-Nous enterrés ici sont morts pour la France".

17 h 30 : visite du musée de la communauté juive de Thessalonique

Pour clore cette première journée, la délégation se rend au musée de la communauté juive. L'histoire d'une véritable tragédie. Alors que plus de la moitié de la population de Thessalonique était autrefois de confession juive, celle-ci ne compte plus aujourd'hui que quelques milliers de personnes. La ville n'a pas seulement été marquée par la Grande Guerre, mais aussi par le conflit suivant. En 1943, les Allemands, après avoir créé des ghettos, ont déporté près de 47 000 juifs vers le camp d'Auschwitz-Birkenau et rasé le cimetière millénaire. Seuls 1 700 personnes en sont revenues. La responsable du musée raconte avec émotion que ses parents font partie de ces survivants. Ils se sont rencontrés au retour de l'enfer. La visite se conclut avec gravité devant des listes où son inscrits tous les noms des victimes de l'Holocauste originaires de Thelassonique. Une ville où, même si les murs ne portent pas tous des cicatrices, les fantômes de la Première et la Seconde Guerre mondiale planent encore aujourd'hui.

Retrouvez ici les autres étapes de ce voyage sur le front d'Orient.