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Le blogueur saoudien Raïf Badawi risque la peine de mort

Le blogueur saoudien Raïf Badawi, déjà condamné à 10 ans de prison et mille coups de fouet pour "insulte à l'islam", pourrait être rejugé par la cour pénale de Jeddah pour apostasie, un crime passible de la peine capitale dans le royaume wahhabite.

Malgré la mobilisation internationale, le cauchemar n’en finit pas pour Raïf Badawi. Le blogueur saoudien et animateur du site Liberal Saoudi Network, derrière les barreaux depuis juin 2012, pourrait être condamné à la peine de mort. Selon son épouse, Ensaf Haidar, les juges du tribunal pénal de Jeddah envisageraient un nouveau procès pour apostasie, un crime passible, dans la loi saoudienne, de décapitation.

Réfugiée au Canada avec ses trois enfants, Ensaf Haidar a confié au quotidien britannique "The Independent" que cette "dangereuse information" venait de sources officielles du royaume. "Nous avons des raisons de croire que le même juge a de nouveau demandé au chef de la Cour d'appel de juger Raïf Badawi pour apostasie", a-t-elle déclaré.

"Légalement, tout est possible"

Interrogé par France 24, Amnesty international n’est pas en mesure de confirmer totalement cette information. L’organisation de défense des droits de l’Homme sait que le dossier a été transféré devant la cour pénale et que le juge suprême a fait des recommandations. "Mais cela peut être aussi bien positif que négatif. Légalement, tout est possible", explique Nina Walch, coordinatrice de crise pour Amnesty France, qui souhaite éviter tout emballement médiatique.

"Cela dit, on reste optimiste car la cour d’appel, jusqu’à maintenant, a toujours estimé que le crime d’apostasie ne s’appliquait pas au cas de Badawi", insiste la coordinatrice d’Amnesty international. L’ONG a lancé en janvier une pétition en ligne qui a récolté, à ce jour plus de 133 300 signatures en France. Elle demande la libération du blogueur ainsi que celle de tous les prisonniers d’opinion emprisonnés en Arabie saoudite.

"Le problème va plus loin que le seul cas de Raïf Badawi, qui a dit lui-même que la cause n’était pas individuelle", poursuit Nina Walch estimant que des centaines de personnes au moins sont enfermées dans les geôles saoudiennes pour leurs opinions, dont l’avocat de Raif Badawi, Waleed Abu al Khair, condamné à quinze de prison le 12 janvier dernier.

Une réforme judiciaire passée en septembre 2014, qui autorise désormais les cours pénales à juger les crimes pour apostasie, justifie l’inquiétude autour de l'avenir de Raïf Badawi. Et la multiplication récente des condamnations à mort en Arabie saoudite ne sont pas plus rassurantes : selon l'AFP, 33 personnes ont été condamnées à la peine capitale depuis le début de l’année dans le Royaume où viol, meurtre, apostasie, vol à main armée et trafic de drogue sont passibles de la peine capitale.

Badawi déjà accusé d’apostasie

La peine de mort avait déjà été requise contre le blogueur saoudien, en décembre 2012, s’il "ne se repentait pas devant Dieu" et "ne renonçait pas à ses convictions libérales". C’est un "Like" sur la page Facebook de chrétiens arabes qui lui avait alors valu cette condamnation - et, au passage, une fatwa du fondamentaliste religieux Abdulrahman al-Barrak.

>> À voir sur France 24 : Rencontre avec la famille du blogueur saoudien fouetté en public

Badawi, qui souhaitait sur son site changer les mentalités, avait refusé de se soumettre. Son dossier avait alors été transféré à une autre cour de justice. En janvier 2013, le nouveau juge en charge du dossier s’était déclaré incompétent. Mais avant de renvoyer une nouvelle fois l’affaire devant une autre juridiction, il avait retiré l’accusation d’apostasie du dossier de Badawi : ce dernier l’avait convaincu d’être un bon musulman après avoir récité la chahada, la profession de foi en islam.

En mai 2014, le blogueur de 32 ans fut toutefois condamné pour "insulte à l’islam". Le lauréat 2014 du prix Reporters sans frontières (RSF) a écopé de 10 ans de prison, une amende d’un million de riyals (environ 226 000 euros) et 1 000 coups de fouets, à raison de 50 coups hebdomadaires, répartis sur 20 semaines. Il a reçu la première salve de coups le 9 janvier, mais les séances sont depuis reportées officiellement pour "raison de santé".