logo

"L'Art de la fugue" : mes frangins, mes amours, mes emmerdes

Dans "L'Art de la fugue", Brice Cauvin ausculte la crise de la masculinité à travers les états d'âme de trois frères approchant de la quarantaine. Une chronique des mœurs d'aujourd'hui qui manque cruellement de piquant.

Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films sortis dans les salles françaises. Cette semaine, "L'Art de la fugue", chronique masculine sans relief du Français Brice Cauvin ; et l'insondable polar enfumé au chanvre indien "Inherent Vice" de "l'auteur-réalisateur" américain Paul Thomas Anderson.

Les clichés sur le cinéma français ont la vie dure. Mais certains films donnent l’impression de n’avoir été produits que pour les entretenir. "L'Art de la fugue", deuxième long-métrage de Brice Cauvin, est de ceux-là qui s’échinent à creuser des galeries dans la mine trop exploitée des états d’âme amoureux de la petite bourgeoisie parisienne.

Le tunnel ici foré vise à nous conduire au cœur de la crise de la masculinité, sujet donnant d’ordinaire lieu au bon vieux film de copains qui, tels la trilogie "Le Cœur des hommes", "Les Petits mouchoirs" et autres fadaises, se plaît à rejouer le refrain "mes amis, mes amours, mes emmerdes".

Adaptation du roman du même nom de Stephen McCauley, "L’Art de la fugue" aborde, lui, la question par la face familiale. À travers les trajectoires de trois frères, Brice Cauvin entend dresser le portrait-robot de trois profils d'hommes d’aujourd’hui qui, à l’aube de la quarantaine, essaient tant bien que mal de lutter contre leurs vieux démons. Le cadet Antoine (Laurent Lafitte) se dit heureux avec Adar (Bruno Putzulu) mais se verrait bien retrouver les bras de son ex vivant à Bruxelles. Le benjamin Louis (Nicolas Bedos) accepte d'épouser Julie (Élodie Frégé) tout en se sachant épris d'une autre. L’aîné Gérard (Benjamin Biolay) croit encore pouvoir reconquérir son ancien amour en dépit de tous les signes lui indiquant le contraire.

Casting sous-exploité

Proche par l’esprit des œuvres polyphoniques du couple Jean-Pierre Bacri-Agnès Jaoui (cette dernière interprète d’ailleurs le rôle de la bonne copine forte en gueule qui en a marre de l’être), le deuxième long-métrage de Brice Cauvin n’en a ni le piquant ni le charme, le scénario se contentant de décliner machinalement les grands thèmes de la chronique sentimentale pour jeunes urbains (peur de l’engagement, pression parentale, hypocrisie du petit bourgeois, éclatement du modèle familial traditionnel, etc). Un manque de relief patent qui range "L’Art de la fugue" du côté des comédies dramatiques dont le souvenir s’estompe une fois la porte du cinéma franchie.

On regrettera en outre que le casting soit à ce point sous-exploité. Le couple parental formé par Guy Marchand et Marie-Christine Barreau aurait pu constituer un formidable duo de cinéma s’ils n’avaient tous deux été caricaturés en champions pleurnichards du chantage affectif. Avec de tels géniteurs, on se demande pourquoi les trois enfants n’ont pas exercé leur art de la fugue dès l’adolescence. 

"L’Art de la fugue" de Brice Cauvin, avec Laurent Lafitte, Nicolas Bedos, Benjamin Biolay, Agnès Jaoui… (1h40)