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Pour la 13e fois de son histoire, l'école de samba Beija Flor a été élue championne du carnaval de Rio. Cette victoire suscite toutefois la polémique. Le président controversé de la Guinée équatoriale a en effet financé le défilé de cette école.
À l’issue de trois nuits de fêtes, l’école de samba Beija Flor a été sacrée mercredi 18 février championne des défilés du carnaval de Rio. Avec 13 couronnes au compteur, il s’agit de l’école la plus titrée de l’histoire du plus célèbre carnaval au monde. Mais cette belle victoire a été éclipsée cette année par une polémique bien loin du monde de la danse.
Les médias brésiliens ont pointé du doigt le financement de cette école. Pour le défilé 2015, le journal "O Globo" a en effet révélé que Beija Flor avait reçu dix millions de reais (trois millions d’euros) de la part du président controversé de la Guinée équatoriale Teodoro Obiang. Ce dernier, à la tête de ce petit pays d’Afrique depuis 1979 à la faveur d’un coup d’État, fait l’objet avec son fils d’une enquête pour corruption et blanchiment d’argent.
"Il fait tout ce qu’il veut"
S’agit-il du "caprice d’un dictateur ?", se demande "O Globo" : "Oui, parce qu'Obiang peut se le permettre", poursuit le quotidien brésilien qui explique que la Guinée équatoriale "est un pays pauvre, mais est aussi le troisième producteur de pétrole d’Afrique, derrière le Nigeria et l’Angola. Obiang concentre entre ses mains tous les pouvoirs et gouverne par décret. Il fait tout ce qu’il veut."
Interrogés à ce sujet après leur victoire, les membres de l’école de samba Beija Flor ont expliqué que cette contribution de la Guinée équatoriale n’avait rien de scandaleuse et qu’il s’agissait surtout de mettre en avant les liens entre l’Afrique et le Brésil. Des artistes équato-guinéens ont ainsi été mis à contribution pour la fabrication des chars. "Le gouvernement guinéen ne nous a pas donné de l'argent, mais un soutien culturel. Il nous a donné des livres, des photos et d'autres matériels", s’est justifié le metteur en scène de l’école Fran-Sérgio dans les pages d’"O Globo".
Pour le chanteur Neguinho, de l’argent a bien été versé mais selon lui l’école a remporté le titre grâce à son travail : "Beija Flor n’a pas gagné en raison de ces 10 millions de reais de soutien. Bien sûr l’argent a aidé, mais l’école a gagné car elle a surtout su développer de beaux thèmes par rapport à l’Afrique." Le correspondant de RFI à Rio, François Cardona, rappelle toutefois que ce sponsoring a été un bon coup de pouce. Il a ainsi permis à Beija Flor de "doubler son budget". D’ordinaire, le coût du Carnaval pour une école de samba est en effet estimé à "2,5 millions d’euros".
Les liens entre le chef d’État africain et le carnaval de Rio ne sont pas récents. La famille Obiang loue depuis plusieurs années une loge privée au sambodrome pour assister au défilé. Le fils du président, Teodorin, était encore présent cette année dans les tribunes. En 2013, l’école Beija Flor avait même été invitée à participer en Guinée équatoriale aux célébrations du 45e anniversaire de l'indépendance. C’est à cette époque que des premiers contacts ont été établis pour arriver à ce parrainage lors du carnaval.
Mais l’attrait de la famille Obiang pour cet événement n’est pas seulement artistique. Le Brésil est l’un des partenaires économiques privilégiés de la Guinée équatoriale. "La coopération du Brésil concerne principalement l’agriculture, l’enseignement et les médias – peu de projets ont été réalisés, mais les échanges commerciaux ont progressé de façon spectaculaire (3 millions de dollars en 2003, 300 millions en 2009)", peut-on lire sur le site de la diplomatie française. Seul pays du continent africain hispanophone, le la Guinée équatoriale tente ainsi depuis plusieurs années d’asseoir son influence sur les pays lusophones. Même si une minorité de la population parle portugais, la Guinée équatoriale a rejoint en 2014 la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) en tant que membre à part entière. "L’intégration de Guinée équatoriale à la CPLP est une richesse culturelle et linguistique vu notre situation géopolitique et permettra de rompre certaines barrières politiques et économiques", avait ainsi expliqué l’an passé Teodoro Obiang, lors du 10e sommet du CPLP, au Timor Oriental.