Le président ukrainien Petro Porochenko a annoncé, mercredi, que les forces loyalistes s’efforçaient de se retirer de Debaltseve, marquant ainsi l’abandon d’un nœud ferroviaire et routier stratégique pour les séparatistes.
L’Ukraine a perdu une bataille, mais l’Ukraine n’a pas perdu la guerre. C’est le message en substance adressé par le président ukrainien Petro Porochenko à ses troupes alors qu’il annonçait, mercredi 18 février, l’abandon de la ville de Debaltseve aux insurgés séparatistes pro-russes.
Cette retraite des troupes ukrainiennes du chaudron de Debaltseve, nœud ferroviaire assiégé par les rebelles depuis plusieurs jours, a été confirmée par notre envoyé spécial sur place.
"Pour les Ukrainiens, c’est l’heure de la retraite (…) On voit de nombreux blindés, certains parfois marqués par des impacts d’obus, qui remontent vers Artemivsk. Dans l’autre sens, il y a des ambulances militaires qui partent vers la zone des combats pour tenter d’évacuer les nombreux blessés", affirmait mercredi matin Roméo Langlois sur l’antenne de France 24.
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Le journaliste rapporte les propos de soldats ukrainiens évacués de Debaltseve évoquant un "véritable enfer". Selon eux, les bombardements et les assauts séparatistes ont redoublé d'intensité après l’entrée en vigueur théorique, dans la nuit du 14 au 15 février, du cessez-le-feu négocié à Minsk.
La chute de cette localité de 25 000 personnes – selon les statistiques d’avant-guerre – marque un succès de plus pour les rebelles pro-russes. Ces derniers considèrent en effet Debaltseve comme partie intégrante de "leur" territoire pour les raisons suivantes :
* Éloigner la menace militaire ukrainienne
Debaltseve se trouve environ à mi-chemin entre Donetsk et Louhansk, les deux "capitales" des séparatistes pro-russes. En chassant les troupes ukrainiennes, les rebelles éloignent la possibilité d’une offensive loyaliste depuis leur ventre mou. La prise de Debaltseve permet également d’assurer la continuité territoriale de la zone contrôlée par les séparatistes et de renforcer ainsi leur prétention à une forme d’indépendance.
* Assurer la viabilité économique de la zone séparatiste
La prise de Debaltseve par les rebelles pro-russes a provoqué une levée de boucliers dans les pays occidentaux.
Berlin a dénoncé une "violation massive" du cessez-le-feu tandis que le gouvernement français continuait à croire en la "voie diplomatique" afin de "faire vivre" les récents accords de Minsk.
La chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande doivent s’entretenir dans la soirée de mercredi avec le leader ukrainien Petro Porochenko.
La réaction a été plus vive à l’Otan, où le secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, a sommé la Russie de retirer toutes ses forces de l'est de l'Ukraine et d'arrêter son soutien aux séparatistes.
Debaltseve est un nœud ferroviaire et routier crucial pour le Donbass. Le contrôle de cette ligne est essentiel pour les séparatistes s’ils souhaitent à terme relancer l’économie de la région. L’aspect financier du conflit est moins spectaculaire mais tout aussi important pour les belligérants. Pour les séparatistes et leurs protecteurs à Moscou, il s’agit d’éviter que le Donbass ne sombre dans une faillite prolongée qui ponctionnerait d’autant plus une économie russe déjà mal en point.
* Infliger une défaite psychologique à Kiev
Le président Petro Porochenko a été élu en mai 2014, deux mois après le passage de la Crimée sous souveraineté russe quasiment sans coup de feu. Un traumatisme qui explique la volonté du leader ukrainien de défendre bec et ongles chaque parcelle du territoire national. La chute de Debaltseve, moins d’un mois après celle de l’aéroport de Donetsk, montre que les séparatistes peuvent venir à bout de la résistance loyaliste, aussi acharnée soit-elle.
* Mettre en déroute l’armée ukrainienne
Le président Porochenko a fait savoir mercredi qu’il s’envolait vers le front afin de superviser la retraite des troupes ukrainiennes de Debaltseve. Selon lui, 80 % des forces ukrainiennes ont déjà quitté l’enclave. Ce départ en bon ordre est cependant loin d’être gagné d’avance car les séparatistes, qui encerclent la ville, continuent de bombarder les troupes ukrainiennes. L’envoyé spécial de France 24 dans la région, Roméo Langlois, parle ainsi d’une "retraite qui s’effectue sous les bombes".
Le caractère ordonné de cette retraite est d’autant plus important pour les forces ukrainiennes que la perte de Debaltseve ne marque pas la fin de la guerre. Après avoir pris le contrôle de ce nœud ferroviaire et de l’aéroport de Donetsk, les forces séparatistes pourraient rapidement jeter leurs forces sur le grand port de la région, la ville de Marioupol.