envoyée spéciale à Lille – Dominique Strauss-Kahn campe sur sa ligne de défense lors de sa première journée d'audition dans l'affaire du Carlton de Lille. Il maintient qu’il ignorait la présence de prostituées lors de ses soirées libertines.
Timbre clair, voix posée, Dominique Strauss-Kahn, le prévenu phare de l’affaire du Carlton, l’affirme haut et fort : "Je n'ai aucun plaisir et j'ai même horreur" des relations sexuelles tarifées. [...] "Ce n’est pas la sexualité que j’apprécie. Une relation qui est à ce point glauque ne me satisfait pas".
En deux ans et demi d’instruction, la ligne de défense de l’ancien directeur du Fonds monétaire international n’a jamais dévié. Il soutient ne pas avoir été informé de la présence de prostituées lors des soirées libertines organisées à Lille, Paris, Washington et en Belgique entre 2008 et 2011. "Si j’avais su qu’il y avait des prostituées, j’aurais cessé de participer à ces soirées", déclare-t-il, droit à la barre du tribunal de Lille, mardi 10 février.
Fabrice Paszkowski, "ami intime" de DSK considéré comme organisateur de ces parties fines, confirme lui avoir caché cette information, car "ce n’était pas glorieux". "Fabrice me l’a caché pour me faire plaisir", suppose DSK. En comparaison à ses co-prévenus aux déclarations hésitantes et aux récits contradictoires, l’ancien ministre apparaît sûr de lui et étonnamment serein. "Beaucoup de personnes voulaient me faire plaisir à l’époque", renchérit-il.
Et si Dominique Strauss-Kahn a "en horreur" les relations tarifées, explique-t-il, c’est avant tout parce qu’il s’en méfie. Il a toujours cherché à garder secret son penchant pour une "sexualité collective", et donc à éviter, selon lui, d’avoir recours au sexe tarifé. "Vu mes fonctions, je n’aurais certainement pas fait appel à des prostituées, se justifie-t-il. Du fait de leur vie difficile, [elles] sont plus susceptibles que d’autres d’être l’objet de pressions". Une manière d’étayer un peu plus sa thèse selon laquelle il ignorait la condition de ses partenaires sexuelles.
"Le sexe pour le sexe"
Car à l’époque des faits qui lui sont reprochés, Dominique Strauss-Kahn était à la tête du FMI et briguait, de loin, la présidentielle française de 2012. "Vous étiez l’un des hommes les plus importants de ce monde ?", interroge le président de la Cour, Bernard Lemaire. "J’avais un rôle important, répond DSK. Notamment lorsqu’a éclaté la crise des 'subprimes'. Le FMI a sauvé la planète. J’avais par ailleurs des ambitions politiques. Et j’avais une relation de couple compliquée."
L’ancien ministre raconte son emploi du temps surchargé d’alors, ses venues à Paris tous les deux, trois mois pour voir ses enfants et son goût pour les soirées libertines, où l’on pratique "le sexe pour le sexe". Il se défend toutefois de toute frénésie. "On parle de quatre rencontres par an durant trois ans. Il ne s’agissait pas d’une activité débridée", assure-t-il. "J’aime que ce soit la fête", admet-il simplement, provoquant des réactions hilares dans la salle.
"Des pratiques animales et contre-nature"
La fête a cependant tourné court pour Mounia, l’une des prostituées qui s’est constituée partie civile dans le dossier, un soir de juillet 2010. Dans une suite de l’hôtel Murano à Paris, elle rencontre brièvement Dominique Strauss-Kahn, le temps d’une relation sexuelle aux allures de "rapport de force brutal". Elle décrit lors de l’instruction des pratiques animales et contre-nature.
"J’ai montré quelques réticences, pas par des mots, mais par des gestes qui voulaient dire que je ne voulais pas de cette pratique. Je n’en avais pas l’habitude, j’avais très mal", raconte-t-elle. "J’ai beaucoup pleuré sur le moment. DSK s’en est aperçu mais il n’a pas arrêté. C’est son sourire qui m’a marquée. Il était souriant du début à la fin. Il avait l’air d’apprécier ce qu’il faisait."
DSK assure, lui, ne pas avoir remarqué les larmes de la jeune femme dont il ne soupçonnait pas les activités professionnelles. "Cela m’aurait glacé. Quand on me dit non, j’arrête."