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"La Jordanie veut augmenter sa visibilité au sein de la coalition contre l’EI"

Après la mort de son pilote, la Jordanie a intensifié ses frappes contre l'EI. Les Émirats arabes unis lui prêtent main forte. Comment les membres de la coalition se répartissent-ils les tâches ? Éléments de réponse.

Les Émirats arabes unis ont annoncé samedi 7 février qu'un escadron de F-16 de leur armée de l'air serait stationné en Jordanie pour soutenir ce pays "frère" dans les frappes contre l’organisation de l’État islamique (EI) qui sévit en Syrie et en Irak.

Cette mesure, prise par le prince héritier d'Abou Dhabi, cheikh Mohamed Ben Zayed Al-Nahyane, est destinée à "soutenir l'effort de guerre des forces armées jordaniennes et leur participation efficace à la coalition internationale" contre l'EI, a rapporté l'agence officielle Wam sans donner de précisions sur le nombre d'appareils qui seront basés dans le royaume hachémite. En outre, l'agence ne précise pas si les Émirats arabes unis comptent reprendre leurs propres raids aériens dans le cadre de la coalition.

Menée par les États-Unis, la coalition compte de nombreux pays arabes, comme l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Après la capture fin décembre d’un pilote jordanien, ces derniers avaient décidé de cesser leurs frappes, craignant pour la sécurité de leurs pilotes et critiquant le manque de moyens de sauvetage.

Or, quel poids et quel rôle ont des pays comme les Émirats ou la Jordanie dans la coalition ? Comment les différents États coordonnent-ils leurs frappes ? En fonction de quoi ? Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stragétique (FRS), livre à France 24 des éléments de réponse sur le fonctionnement de la coalition contre l’EI.

France 24 : Pour quelles raisons les Émirats arabes unis, qui ont suspendu leurs frappes, envoient des F-16 en Jordanie ? Ne pouvaient-ils pas lancer des frappes depuis leur sol ?

Yves Boyer : Les Émirats arabes unis ont suspendu leurs frappes de façon temporaire en signe de protestation : ils reprochaient aux Américains le manque de moyen de sauvetage, après la capture du pilote jordanien. Et là, l’envoi des F-16 en Jordanie est à comprendre comme un geste politique symbolique des Émirats envers la Jordanie. En outre, la Jordanie est beaucoup plus proche du théâtre des opérations, cela peut éviter des ravitaillements et donc faire gagner en efficacité.

F24 : Comment fonctionne la coalition contre l’EI ?
Y. B. :
Nous ne sommes pas face à une coalition au sens de celle qui était intervenue en Irak. Là c’est une coalition aux contours mouvants, un ensemble de pays qui ont décidé d’agir contre l’EI. Il y a ce qu’on appelle un « combined air operations center » (CAOC). Ce sont plutôt les Américains qui en sont à la tête, mais il y a des officiers d’autres pays de la coalition, des Britanniques, des Français, des Saoudiens etc. C’est de là que les frappes sont coordonnées. Un « Air Tasking Orders » (ATO) est établi toutes les 24 heures. C’est le théâtre des opérations. Il s’agit d’une liste de cibles à frapper qui est ensuite réparties entre les différents membres de la coalition.

F24 : Comment sont définies les cibles ? Comment sont réparties les frappes ?
Y. B. :
Sur la base d’observation et de surveillance, le CAOC va repérer des objectifs qui pourront être par exemple : une colonne de combattants de l’EI, un dépôt d’armes, un stock de véhicules. Les objectifs sont inscrits sur l’ATO, qui est concrètement comme un catalogue. Il s’agit de repérer les cibles et de les frapper précisément, et non pas de multiplier les raids. Ensuite, la répartition se fait en fonction de plusieurs choses, notamment en fonction des moyens mis à disposition par chaque pays. Il est donc logique que les États-Unis par exemple qui ont mis à disposition le plus d’avions effectuent plus de frappes. Il y a aussi un facteur politique : chaque pays choisit les objectifs qu’il va frapper selon les règles définies par la politique de ses autorités.

F24 : Comment a-t-il été possible alors pour la Jordanie d’augmenter ses frappes ces derniers jours à la suite de la mort de son pilote, exécuté par l’EI ?
Y. B. :
La Jordanie a souhaité augmenter sa visibilité. En réalité rien n’a changé dans le sens où le CAOC n’a probablement pas défini plus de cibles à frapper par jour. C’est simplement que des frappes qui étaient déjà prévues et auraient pu être réparties dans le temps, ont été concentrées sur quelques jours.