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Envoyer des armes de guerre à Kiev : Washington l'envisage, pas Paris

Pour Paris, qui préfère une solution politique, il n’est pas question d’envoyer des armes létales à Kiev. Les États-Unis pensent pourtant à renforcer l'armement des forces ukrainiennes. Le but : mettre en garde Moscou.

"Nous n'avons pas l'intention aujourd'hui de fournir des armes létales à l'Ukraine", a déclaré mercredi 4 février le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian lors d'une conférence de presse avec son homologue canadien à Paris. "Nous pensons qu'il faut trouver une issue politique à cette crise", a-t-il ajouté.

"La position de la Russie à l'égard du soutien des séparatistes ukrainiens n'est pas acceptable, nous le disons avec fermeté, nous poursuivons les sanctions à cet égard, mais en même temps il faut éviter par tous les moyens la poursuite d'une situation de conflit qui s'aggrave et qui pourrait entraîner des distorsions plus graves", a estimé Jean-Yves Le Drian.

Conclu en septembre sous légide de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l'accord de Minsk, qui prévoyait entre autres un cessez-le-feu immédiat et le départ des "groupes armés illégaux", n'a pratiquement jamais été respecté. Une nouvelle tentative diplomatique en vue d'obtenir un cessez-le-feu s'est soldée par un échec, samedi 31 janvier à Minsk

Washington envisage l’envoi d’armes

En somme, Paris estime qu’il serait incohérent, à l'heure où les pays occidentaux demandent à la Russie d'arrêter d'alimenter en armes les séparatistes ukrainiens, d’en livrer à l’autre camp, afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu.

Pourtant, outre-Atlantique, l’idée a émergé et le débat est ouvert, jusque dans les plus hautes sphères de l’État, puisque les autorités américaines y réfléchissent.

Le "New York Times" affirmait ainsi dimanche 1er février que le gouvernement américain étudiait de nouveau la possibilité de fournir aux forces ukrainiennes des armes et des équipements défensifs. Des déclarations de responsables américains sont venues mercredi confirmer la rumeur. Et notamment Ashton Carter, que Barack Obama souhaite nommer secrétaire à la Défense. Lors de son audition de confirmation devant le Sénat américain, mercredi 4 février, il s’est déclaré favorable à l’envoi d’armes à Kiev.

"Je suis très enclin à aller dans cette direction, car je pense que nous devons aider les Ukrainiens à se défendre", a ainsi déclaré Ashton Carter, interrogé par le président de la commission des forces armées du Sénat.

Quelle réponse à l’agression russe ?

Ces réflexions surviennent quelques jours après la parution, lundi, d’un rapport indépendant de l’Atlantic Council, regroupant plusieurs groupes de réflexion américains, et signé par d'anciens hauts responsables de l'Otan et ambassadeurs des États-Unis en Ukraine. Le texte incite Washington à envoyer des armes à Kiev.

"Une armée ukrainienne renforcée, avec des moyens de défense améliorés, augmenterait la perspective de négociation d'un accord pacifique", estime le rapport, puisque cela accroîtrait les "risques et les coûts" pour Moscou.

Steven Pifer, un ancien ambassadeur américain en Ukraine et l’un des auteurs de ces conclusions, explique en effet à France 24 que "le fait de renforcer l’arsenal militaire de l’Ukraine pourrait faire prendre conscience à Vladimir Poutine que soutenir les séparatistes ukrainiens pourrait coûter plus cher que prévu, et que le jeu n’en vaut pas la chandelle".

Le débat en cours à Washington illustre la frustration des Occidentaux face à l'inflexibilité du président russe Vladimir Poutine, dont le soutien aux séparatistes ukrainiens ne faiblit pas malgré les sanctions internationales et la crise économique et financière dans laquelle s'enfonce la Russie. Il reflète aussi le dilemme auquel ils risquent d'être rapidement confrontés : que faire si les sanctions ne sont pas efficaces, ou pas assez vite ?

Pour Steven Pifer, la question qui demeure est donc bien de savoir "comment répondre à l’agression russe". "Nous savons que la Russie a envoyé des armes et des soldats russes en Ukraine", rappelle-t-il. À la question de savoir si envoyer des armes à Kiev ne reviendrait pas à déclencher les hostilités entre la Russie et les Occidentaux, il répond par la négative. "Les Ukrainiens tentent de défendre leur pays, nous ne sommes pas non plus en train de préconiser l’envoi de troupes américaines sur place", se défend-il. Quoi qu’il en soit, il estime que "le risque d’escalade est plus grand si l’on n’agit pas".