!["Félix et Meira" : un "Roméo et Juliette" sophistiqué chez les juifs hassidiques "Félix et Meira" : un "Roméo et Juliette" sophistiqué chez les juifs hassidiques](/data/posts/2022/07/20/1658294367_Felix-et-Meira-un-Romeo-et-Juliette-sophistique-chez-les-juifs-hassidiques.jpg)
Il est athée, elle est juive ultra-orthodoxe. Dans "Félix et Meira", le Québécois Maxime Giroux filme la rencontre entre deux mondes que tout oppose. Un "Roméo et Juliette" raffiné sur les vertus émancipatrices de l'amour.
Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent en salles. Cette semaine, l'histoire d'amour raffinée "Felix et Meira" du Québécois Maxime Giroud et le documentaire russe "Territoire de la liberté" d'Alexander Kouznetsov.
Il serait temps que quelqu’un rédige une thèse sur les films à deux prénoms. "Bonnie et Clyde", "César et Rosalie", "Sailor et Lula", "Alice et Martin", "Thelma et Louise", "Angèle et Tony"… L’histoire du cinéma foisonne de ces longs métrages dont le titre évoque le destin de deux êtres, le plus souvent de sexe opposé, unis dans l’amour ou dans le crime (parfois les deux) et que des forces veulent absolument séparer.
La majorité du temps, on pense bien sûr à "Roméo et Juliette" qui reste, encore de nos jours, l'œuvre matrice des amours contrariées. On ne compte plus, au cinéma notamment, les idylles buttant contre la volonté du clan, de la communauté, de la famille ou se heurtant aux barrières sociales et religieuses.
"Félix et Meira" du Québécois Maxime Giroux s'inscrit dans cette lignée. Le premier est un quadragénaire athée de la petite bourgeoisie de Montréal, la seconde une jeune mère de la communauté ultra-orthodoxe des juifs hassidiques. Lui se complaît dans la douce oisiveté qu’un héritage touché à la mort de son père lui permet de vivre. Elle, subit les préceptes d’un rigorisme religieux refusant toute modernité. En clair, tout ce qui fait le sel d’une vie en métropole lui est interdit : le cinéma, les bars, la musique, le port du pantalon et le contact, même visuel, avec les hommes. Mais voilà, malgré tout ce qui les sépare, Félix et Meira (Martin Dubreuil et Hadas Yaron, tous deux magnifiques) vont tomber amoureux.
Le paradis, c’est les autres
De cette attraction naissante, Maxime Giroux montre surtout la soif d’inconnu qui tenaille les deux amoureux. Le paradis, c’est les autres, semble nous dire le réalisateur. Célibataire désabusé et cynique qui peine à faire le deuil d’un père ne l’ayant jamais aimé, Félix voit en Meira un être pur, une enfant sauvage qui ne demande qu’à se libérer. Meira voit en Félix la porte d’entrée d’un monde nouveau, un accès aux plaisirs de la connaissance.
Si elle cède progressivement aux appels de son prétendant, c’est d’abord pour goûter aux nourritures de l’esprit. En premier lieu, elle accepte un dessin, puis se rend chez lui pour pouvoir écouter sa chanson préférée (le sublime "After laughter comes tears" interprété par Wendy Renée). Plus qu’une romance qui surferait complaisamment sur l’idée que les contraires s’attirent, "Félix et Meira" se veut être un film sur le pouvoir émancipateur de l’amour.
Jusqu’alors écrasée par le poids des rites religieux, la jeune éprise doit alors apprendre à se conformer à ceux de l’amour : les regards qui se croisent, les mains qui se cherchent, les lèvres qui s’effleurent. Ces moments d’apprivoisement charnel, le cinéaste québécois les filme avec un raffinement qui confère au geste le plus anodin une charge étonnamment sensuelle. La première fois que Meira regarde Félix droit dans les yeux frôle même la scène érotique.
La délicatesse dont fait preuve Maxime Giroux ne se limite cependant pas à l’histoire d’amour. Le portrait qu’il dresse de la sphère ultra-orthodoxe convainc parce qu’il n’est jamais à charge. L’époux de Meira (interprété par un ancien membre de la communauté hassidique) a beau avoir une vision plus qu’archaïque de la femme, il n’est jamais dépeint comme un ignoble personnage. Parce qu’elle n’est pas feinte, sa douleur de mari trompé finit même par toucher.
Plutôt que de condamner les hassidiques, le réalisateur les montre tel qu’ils sont. À la faveur d’une séquence humoristique qui n’est pas sans rappeler "Rabbi Jacob", Félix parvient à pénétrer leur monde fermé. Il y découvre alors des religieux qui, dans un moment de communion joyeuse avec Dieu, s’adonnent pleinement au chant et à la danse. Un instant de grâce au cœur de l’austérité.
- "Félix et Meira" de Maxime Giroux, avec Hadas Yaron, Martin Dubreuil, Luzer Twersky... (1h45)