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CAN-2015 : "Pour les Algériens, la CAN, c’est un autre monde"

L’Algérie, pourtant annoncée favorite de la compétition, a été éliminée dimanche en quart de finale de la CAN par la Côte d’Ivoire. Pour France 24, Nabil Djellit, spécialiste du foot maghrébin, revient sur les raisons de cet échec.

L’équipe nationale d’Algérie a été sortie de la CAN-2015, dimanche 1er février, par la Côte d’Ivoire en quart de finale (1-3). Une immense déception pour les Fennecs, qui visaient le titre, et pour leur sélectionneur, le Français Christian Gourcuff, arrivé à la tête de l’équipe en juillet dernier.

Nabil Djellit, journaliste pour France Football et spécialiste du foot maghrébin, explique à France 24 les raisons de cet échec, tant sur le plan sportif que culturel. Selon lui, cette équipe encore jeune a un bel avenir devant elle.


France 24 : Qu’a-t-il manqué à l’Algérie pour aller plus loin dans cette CAN ?

Nabil Djellit : L’Algérie a bien joué contre la Côte d’Ivoire, notamment en seconde période, mais il lui a manqué surtout de la réussite offensive. Mais c’est une équipe jeune, qui a encore du mal à poser son jeu en Afrique subsaharienne.

Elle a été dominée par l’impact athlétique des Ivoiriens, notamment dans le domaine aérien. Il leur a manqué la garantie défensive et la réussite offensive, même si c’était leur meilleur match dans cette CAN-2015.

L’Algérie est par ailleurs tombée dans un groupe très difficile et le tirage ne les a pas favorisés. Alors certes, pour aller au bout, il faut battre les meilleurs, mais là ils n’ont eu aucun répit. Et c’est également le cas du Sénégal ou de l’Afrique du Sud, eux aussi éliminés.

Il y a d'autre part un phénomène d’adaptation à prendre en compte : les Algériens sont tous des binationaux qui vivent en Europe, et quand ils arrivent en Afrique subsaharienne, ils n’ont pas l’habitude de la température et du taux d’humidité très élevés.

Quel est l’avenir de cette équipe et de son sélectionneur, Christian Gourcuff ?

C’est une équipe encore jeune. Quant à Christian Gourcuff, il n’est pas menacé. Son objectif, ce n’était pas cette CAN mais celle de 2017 et surtout la qualification pour la Coupe du monde 2018. La Fédération algérienne est plutôt sérieuse et prône la stabilité.

A l'image de Bentaleb (20 ans), @elkhedra reste une jeune équipe qui a un avenir certain. Se remettre en cause, sans tout remettre en cause

— Nabil Djellit (@Nabil_djellit) 1 Février 2015

Et Gourcuff est encore en phase d’apprentissage : il doit apprendre à jouer en Afrique. Il a fait toute sa carrière en Bretagne, en grande partie sur des pelouses synthétiques, alors quand il arrive en Afrique… ça change, même lui le reconnaît. Il s’est souvent plaint de la pelouse, mais c’est un argument qu’il va falloir oublier, parce que ce sera toujours comme ça.

Il prône sans cesse le beau jeu, mais là aussi, il va lui falloir faire preuve d’adaptation, parce qu’en Afrique, le beau jeu, ça peut paraître utopique sur certains terrains. Et surtout travailler davantage sur le plan physique et athlétique. Avec des profils trop techniques au milieu, c’est compliqué de jouer contre des équipes comme la Côte d’Ivoire. L’Algérie doit répondre aussi sur le plan physique en Afrique, davantage qu’en Coupe du monde face à des équipes européennes.

L’Algérie et la Tunisie ont été éliminées en quarts de finale. Pourquoi les équipes maghrébines ne réussissent pas à la CAN ?

Le seul pays arabe qui a réussi à imposer son jeu en Afrique subsaharienne, c’est l’Égypte, parce que l’équipe avait une ossature de joueurs locaux. Alors que les Algériens ou les Tunisiens, par leur vécu et aussi leur nationalité, sont des joueurs européens. Pour eux, la CAN c’est un autre monde qu’ils découvrent à chaque fois.

Dans les autres équipes, même si beaucoup jouent en Europe, la plupart sont nés en Afrique et sont passés par les championnats locaux. Culturellement, les joueurs du Maghreb ont du mal à imposer leur jeu en Afrique subsaharienne. La Tunisie a gagné la CAN en 2004 chez elle, l’Algérie en 1990 chez elle aussi. Seul le Maroc avait réussi à remporter le tournoi en Éthiopie… en 1976 !

Psychologiquement, les joueurs maghrébins ou franco-maghrébins sont plus tournés vers la Méditerranée, veulent surtout briller en Coupe du monde, alors que les joueurs africains ont davantage cette ambition d'être le "roi de l’Afrique". Il y a moins de concurrence entre les pays du Maghreb qu’entre les pays africains pour la domination continentale.
 

Déjà sans le #Maroc, et là plus d'#Algérie, ni de #Tunisie, la #CAN ne sourit pas au Maghreb en Afrique Sub-Saharienne. Un refrain éternel

— Nabil Djellit (@Nabil_djellit) 1 Février 2015