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"Imitation Game" : au génie Alan Turing le cinéma reconnaissant

Mathématicien de génie qui permit de décrypter les codes secrets nazis, le Britannique Alan Turing avait tout pour faire un biopic grandiloquent et académique. Malgré son vernis hollywoodien, "Imitation Game" parvient toutefois à captiver.

Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent en salles. Cette semaine, le grandiloquent mais efficace biopic "Imitation Game" de Morten Tyldum ; et le délicat drame pacifiste "Les Nuits d’été" de Mario Fanfani.

Alan Turing valait bien un biopic. Mathématicien de génie, théoricien visionnaire de l’intelligence artificielle, chercheur insatiable et misanthrope, le scientifique britannique est considéré comme l’inventeur des ordinateurs tels que nous les connaissons aujourd’hui. Encore plus héroïque, l’homme est à l’origine de travaux ayant permis, durant la Seconde Guerre mondiale, de casser le code de cryptage nazi généré par la machine Enigma. Selon des historiens, sa contribution à l’effort de guerre aurait permis d’écourter le conflit de deux ans. Et de sauver, donc, des millions de vies.

La couronne britannique, pourtant, ne lui décerna aucune médaille. Homosexuel, Alan Turing fut même condamné en 1952 pour "attentat à la pudeur" et soumis à une castration chimique, que lui-même choisit pour échapper à la prison. Deux ans plus tard, il mit fin à ses jours par empoisonnement au cyanure. Il faudra attendre 2013 pour que la reine Elizabeth II le gracie à titre posthume. C’est ce qu’on appelle le service minimum.

Le cinéma, lui, ne s’embarrasse pas de tant de pudeur. Pour laver l’affront infligé à Alan Turing, la Warner a sorti la grosse artillerie. "Imitation Game" possède tous les rudiments de la solennelle biographie hollywoodienne : des stars (Benedict Cumberbatch dans le rôle titre, Keira Knightley), des dialogues sentencieux, des flash-back à la limite du tire-larmes, un travail d'antiquaire sur les décors et les costumes, une mise en scène grandiloquente constamment portée par les envolées héroïques du compositeur français Alexandre Desplat…

Faux-semblants et culte du secret

Reste que "Imitation Game" n'est pas qu'une pompeuse et artificielle entreprise de réhabilitation. En centrant son biopic sur la période durant laquelle Alan Turing s’attela au décryptage des messages nazis, le réalisateur Morten Tyldum réussit néanmoins à captiver. L’enjeu dramatique du film réside moins dans la résolution du problème que dans le culte du secret savamment entretenu par les protagonistes. Secret que recèle la machine Enigma, réputée inviolable, celui cultivé par le MI6, le service de renseignements britannique et celui, inavouable, que le mathématicien fait de sa sexualité.

Film sur la dissimulation et les faux-semblants, "Imitation Game" démontre que les plus grandes énigmes ne s’éclaircissent jamais tout à fait. Monstre d'arrogance et d’égoïsme, Alan Turing finit, certes, par fendre l'armure au contact de sa charmante collaboratrice Joan Clarke (Keira Knightley) mais reste à bien des égards insondable, comme en atteste la fin de sa vie tragique. De même, si la mise au jour du code Enigma contribua à enrayer l’avancée de l’armée allemande, elle n’offrit aucune clé permettant de comprendre la barbarie nazie. En clair, aucun génie, aussi grand soit-il, ne parviendra à élucider la folie destructrice des hommes.

-"Imitation Game" de Morten Tyldum, avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode, Charles Dance, Mark Strong… (1h54)

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